Je reprends ici le titre de livre de Thierry Thouvenot, qui se présente comme un « traité pratique pour se reconnecter à sa vraie nature », et qui explicite de manière à la fois théorique et pratique la vision éco-spirituelle qu’il développe.  Pour lui, la perspective écologique et la quête intérieure se rejoignent dans cette unité recherchée du Vivant. Il ne s’agit pas simplement ici de présenter ce livre et  la démarche qu’il propose, mais aussi de remettre en perspective cette dernière dans une longue tradition de pensée à portée philosophique et cosmologique dans laquelle elle s’inscrit.

« Tout est en interrelation, rien n’est séparé, tout est unité. » Voici la vision écospirituelle qu’expose Thierry Thouvenot. La crise écologique actuelle et le mal-être contemporain sont liés au fait que l’être humain se dissocie de la nature, et considère le corps et l’esprit comme deux entités séparées. Il est urgent de nous reconnecter à notre nature originelle et de retrouver notre unité fondamentale avec le vivant. En émaillant son propos de témoignages personnels, l’auteur nous guide de façon ludique et pédagogique vers la reconnexion à notre vraie nature, libre, tranquille, joyeuse et pleinement vivante. Cet ouvrage propose des exercices pratiques (méditations, massages, yoga des émotions, voyages chamaniques, explorations de l’esprit…) pour aller à la rencontre de tous les aspects de nous-même : le corps, les émotions, le mental, l’ego, le soi, l’âme, l’être, et découvrir que l’intégralité de ces aspects forme un tout unifié.

Ingénieur de formation, Thierry Thouvenot a travaillé en entreprise puis pour l’association WWF. Il a écrit des livres sur l’écologie et sur la méditation, il est aujourd’hui praticien en médecine chinoise, thérapeute psychocorporel et enseigne la méditation, le Qi Gogn et le Taï Ji Quan.

Du corps à l’être – le chemin de l’Un.e

Thierry Thouvenot distingue dans son introduction 7 aspects du Vivant, qui constituent la structuration de ce guide pratique, et qu’il propose comme les étapes et les dimensions d’un travail de reconnexion à notre nature sauvage, au-delà de la peur que celle-ci peut nous inspirer.
Voici le schéma qu’il dessine de ce  « qui constitue  l’intégralité de ce que nous sommes : le corps physique, les émotions, le mental, l’ego, le soi, l’âme, l’être »

Pour lui, ce qui fonde ces 7 dimension c’est l’Un.e,  englobant l’ensemble de cette pyramide constitutive de notre nature, car il s’agit bien pour l’auteur de «  retrouver le sauvage » , une intention qui pour lui représente « une aventure palpitante dans la plus merveilleuse des terra incognita : nous même ». Peut-être, peut-on déjà entendre ici l’écho lointain, mais encore audible, de l’oracle de Delphes :  
« Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux »
L’un des premiers intérêts du livre est là,  dans cet accompagnement qu’il propose pour distinguer le sens précis qui peut être donné à chacun des termes de ces 7 aspects , pour distinguer des éléments, des termes qui sont parfois confondus ou  mêlés l’ego, le soi, l’âme, l’être… Comment ces dimensions s’articulent-elles ? s’enchassent-elles ? quelle voie d’évolution dessinent-elles ? C’est là, un second intérêt du livre, celui d’offrir des exercices pratiques pour aller, au-delà des mots, toucher l’expérience sensible intérieure ce qu’ils veulent dire, exprimer. Il y a ce que le mental peut connaître et ce que l’esprit-âme peut appréhender par le corps avec lequel il ne fait qu’un.  Le livre est ainsi structuré en 7 + 1 chapitres, un pour chacun des 7 aspects et un pour l’Un.e, divisés eux-mêmes en deux parties , l’une didactique appuyée chaque fois sur une expérience personnelle, et une autre proposant des exercices pratiques (méditation, massage,  yoga des émotions, voyage chamanique, exploration spirituelle…), pour avancer de manière concrète et sensible dans ce chemin-voyage.
La perspective est ainsi ancienne par l’appel aux pratiques de la tradition de différents peuples-racines ( on pourrait faire référence ici au livre de Frédérika Van Ingen  dont nous avons déjà parlé :   « Sagesses d’ailleurs pour vivre aujourd’hui » – voir l’article « Les racines de la Sagesse » ),  et correspond aussi à la pratique de ce que le philosophe Pierre Hadot appelle les « exercices spirituels » (Voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=ZG_nnSai07g ), cette forme de mise en correspondance qu’opéraient les stoïciens de l’Antiquité, entre ce qu’ils pensaient et ce qu’ils vivaient.
Ce schéma présenté par Thierry Thouvenot des 7 aspects du Vivant, constituant la «  cristallisation de l’Un.e »,  et dont l’intégration éco-spirituelle pourrait permettre le retour à l’Un.e, évoque irrémédiablement la perspective plotinienne de « la procession » et de « la conversion » permettant le retour à l’UN.  

L’Un

L’Un désigne chez Plotinphilosophe gréco-romain de l’Antiquité tardive (entre 254 et 270), et ses successeurs, le principe premier dont toute chose existante dérive. L’unité transcendante est la propriété que possède tout être sinon il ne serait pas. L’Un ne peut être principe premier que s’il est « au-delà de l’Être ». Cette vision, partagée par les néoplatoniciens, qui fait de l’Un, un principe premier s’oppose à celle d’Aristote pour qui « l’Un n’est rien d’autre que l’Être ».

Le concept d’« Un » chez Plotin, n’est pas à confondre avec ceux d’Absolu, de principe premier, de Cause première ou d’unicité que l’on trouve dans les religions monothéistes. Parce qu’il est une puissance immense, il contient toutes ces notions et est capable de tout engendrer, il prend aussi le nom de Bien.

Plotin, dans ses Ennéades, contre Numénius, pense que l’Un transcende l’Intellect. Il suppose trois hypostases, principes divins : l’Un, l’Intellect, l’Âme. L’Un est le Bien, unité absolue et plénitude. De lui découle tout être, mais aussi toute beauté. « La lumière est inséparablement liée au Soleil, d’une manière analogue l’être ne peut pas non plus être séparé de sa source : l’Un. » Parce que l’Un est l’unité absolue, un accès vers lui plus direct est impossible. « Aucun nom ne lui convient, pourtant, puisqu’il faut le nommer, il convient de l’appeler l’Un, mais non pas en ce sens qu’il soit une chose qui a ensuite l’attribut de l’un » (Ennéades, VI, 9, 5). L’Un s’écoule à cause de sa surabondance, comme rayonnement, émanation. De là naît d’abord l’Esprit, l’Intellect (Noûs), qui représente la sphère des Idées, c’est-à-dire des archétypes éternels de toutes choses. Puis vient, troisième hypostase après l’Un et l’Intellect : l’Âme, qui, comme Âme du monde, contient toutes les âmes individuelles. L’ascension de l’âme humaine vers l’Un est envisagée par Plotin comme un processus de simplification  ou d’unification qui s’obtient par une purification généralisée, par la catharsis.

 

On se propose ici pour suivre la démarche de Thierry Thouvenot, de faire un cours arrêt sur certaines des étapes du chemin proposé.

Tout part du corps et des sensations

Le chapitre 1 focalise  ainsi sur le corps physique, la base de la pyramide du retour à l’Un.e.  La première expérience et pratique consiste donc à réhabiter son corps. D’une certaine manière pour l’auteur cela a constitué pour lui-même, une sorte de chemin de croix, via un stage de méditation Vipassana qui consiste pour l’essentiel à pratiquer l’attention silencieuse à la respiration pendant une dizaine de jours. Il s’agit de revenir à la sensation d’un corps vivant, irréductible à cet objet séparé du sujet cartésien. Thierry Thouvenot cite là, le philosophe Merleau-Ponty qui dans une approche phénoménologique affirme plutôt que «  la perception […] est un accompagnement de notre corps avec les choses »

Ainsi, par l’expérience, il apparaît que la respiration constitue le phénomène qui nous permet le plus immédiatement et peut-être le mieux, de comprendre l’échange continuelle du corps avec son environnement. Ainsi, « à chaque instant, notre corps conspire avec la nature (étymologiquement ils respirent  ensemble) » .  Instructeur de méditation de pleine présence moi-même, par cette expérience partagée, je ne peux qu’entrer  en résonance avec une telle approche qui rejoint la perspective des méditations sophrologiques, école dans laquelle je m’inscris (Voir la page Facebook Reliances sophro méditative » : https://www.facebook.com/Reliances.Sophro )

Bien souvent, les premiers pas de ce chemin du corps et  de ses sensations conduisent à la conception-perception de notre corps émotionnel. Il faut alors passer par l’étape du mental, qui nous permet d’accéder à la subtilité de la diversité des ressentis, des émotions via les mots. Ce guide pratique fournit alors de nombreux tableaux qui peuvent ainsi nous doter d’un vocabulaire descriptif constituant un véritable soutien (au moins au départ) pour guider les perceptions du corps,  des émotions relatives aux croyances que le mental forge concernant le monde, les autres, soi-même.

Le rapport complexe du Soi et de l’égo

 Ainsi, ce premier « paquet » que constitue l’exploration tout à la fois mentale et pratique du corps physique et émotionnel  (l’émotion telle qu’elle est souvent comprise et théorisée faisant l’articulation du corps et du mental) (voir le dossier « Pacifier nos émotions » dans Psychologie – avril 2022), conduit à la considération de l’égo lui même mis en relief par la question du Soi.

Extrait du magazine Psychologie – article « En finir avec le sentiment d’impuissance » – avril 2022

Thierry Thouvenot ouvre ce deuxième étage en quelque sorte de la pyramide, avec cette affirmation de l’ego comme « chien de garde du petit soi ».  Mais cette affirmation repose sur cette interrogation de la définition et de l’utilité de l’égo , et au final au-delà de l’intérêt « protecteur du moi que peut  jouer l’égo, des problèmes qu’il peut poser.
Là encore, un tableau présente les principales blessures narcissiques occasionnées et accumulées dans l’enfance,  et qui vont façonner l’orientation de nos personnalités («  petit moi ») et la manière dont elles peuvent rebondir, raisonner, nous conduisant dans des stratégies de défenses multiples et complexes, combinées  le plus souvent (refoulement, déni, sublimation, identification, projection, inflation, dépréciation, inhibition, régression, clivage, dissociation, fuite…). Ainsi se constituent les personnages de l’égo, avec lesquels nous jouons constamment comme le décode l’analyse transactionnelle (le juge intérieur, le conformiste, de sauveur, la victime, le tyran…)
Si l’égo peut ainsi nous défendre, il nous enferme aussi et nous limite. Ainsi parmi les problèmes de l’égo  identifiés par Thierry Thouvenot peut-on distinguer cet « éloignement de soi » qu’il constitue du fait qu’il nous identifie et nous restreint à « des fonctionnements et des personnages qui ne sont qu’un reflet pâle et  distordu de ce que nous sommes au plus profond de nous-même » ; mais aussi au plan spirituel « l’égo alimente le sentiment de séparation » .
Eu égard à l’égo, le Soi apparaît comme un dévoilement, renvoyant ainsi  l’égo à sa véritable nature d’illusion. Nous allons y revenir tant ce point est crucial, sensible et déterminant.  Dans ce passage donc de l’égo au Soi, c’est un véritable saut qui est opéré, car selon le modèle Jungien des archétypes (des  formes symboliques universelles qui structurent la psyché humaine) sur lequel s’appuie  Thierry Thouvenot : « le Soi est notre vraie personnalité, notre authenticité non voilée par l’égo  […]  le Soi rassemble toutes nos facultés psychiques, naturelles, nos ressources et nos richesses qui permettent l’actualisation de ce que l’on est  vraiment pleinement »

Archétype (psychologie analytique)

L’archétype est ce qui forme a priori l’expérience humaine, par la structure même du cerveau, et qui conditionne les schémas de pensée ou de représentation.

L’archétype  est un concept appartenant à la psychologie analytique élaborée par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung (18751961) qui le définit par la tendance humaine à utiliser une même « forme de représentation donnée a priori » renfermant un thème universel structurant la psyché, commun à toutes les cultures mais figuré sous des formes symboliques diverses.

L’archétype est pour la psychologie jungienne un processus psychique fondateur des cultures humaines car il exprime les modèles élémentaires de comportements et de représentations issus de l’expérience humaine à toutes les époques de l’histoire, en lien avec un autre concept jungien, celui d’inconscient collectif.

Les archétypes apparaissent dans les mythes, mais aussi dans les rêves ; ils y forment des catégories symboliques structurant les cultures et mentalités, et orientant le sujet vers son évolution intérieure, nommée individuation dans la psychologie de Jung. Pour ce dernier, les archétypes sont caractérisés fondamentalement par le fait qu’ils unissent un symbole avec une émotion. Ce faisant, ils sont des « potentiels d’énergie psychique » constitutifs de toute activité humaine et orientant la libido. Les archétypes incarnent ainsi, dans l’espace mental, des dépôts permanents d’expériences continuellement répétées au cours des générations.

Si Jung et ses continuateurs ont toujours évoqué l’archétype comme une hypothèse à propos de la structure profonde du psychisme, ils en ont cependant fait un pivot de la psychologie analytique très polémique, corollaire du concept également controversé d’inconscient collectif. Pourtant Jung n’est pas le premier à évoquer la possibilité d’existence d’« images primordiales » conditionnant l’imaginaire et la représentation ; avant lui en effet de nombreux philosophes en ont postulé l’influence sur la nature humaine. Enfin, le concept a connu, après Jung et jusqu’à des théories scientifiques modernes, une renaissance qui en fait une théorie qui reste d’actualité.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arch%C3%A9type_(psychologie_analytique)

Le rapport de soi à l’égo est présenté ainsi comme le rapport de l’authenticité du moi  aux croyances constitutives des personnages de l’égo. Thierry Thouvenot affirme à partir de là queue » le Soi est la prolongation au sein de la psyché humaine de facultés naturelles inhérentes aux vivant ». Pour l’illustrer, il choisit de s’inspirer de la vision taoïste chinoise du Yin et du Yang et du cycle des 5 éléments (5 mouvement, 5 saisons).

Dans ce modèle, la 5ème saison qui est celle des quatre intersaisons, de l’alternance du Ying et du Yang dans la succession de l’été (apogée du yang), de l’automne (extinction du Yang dans le Yin ), de l’hiver ( apogée du Yin), du printemps ( émergence du yang à partir du Yin) apparaît comme «  la sagesse du centre »  qui permet de retrouver l’harmonie du vivant.
Ainsi  le processus Junguien de l’individuation ( qui doit être clairement distinguer de l’individualisme) comme spirale de l’épanouissement du Soi, permet au fil des saisons, du temps « De soigner l’égo » .

Jung – Synchronicités, archétypes, alchimie : un penseur unique – Dialogue avec Frédéric Lenoir

De l’âme à l’Etre

Nous voici arrivé au troisième étage de la fusée où se joue le rapport de l’âme à l’être. Le dépassement de l’égo dans l’accès au Soi, constitue ainsi une sorte une porte sur le chemin de l’éco-spiritualité proposé ici. Revenir au vocabulaire de l’âme peut apparaître difficile, dans un monde qui reste dominé par les théories scientifiques réductionnistes qui ont plutôt tendance à poser les questions de manière dualiste en termes de corps et d’esprit, rabattant souvent l’esprit sur le cerveau, et donc le corps, dans des approches récentes des neurosciences.
Descartes, qui parlait encore «  des passions de l’âme »  constitue à cet égard un moment charnière dans ce dépérissement-invalidation du vocabulaire de l’âme durant les siècles suivants.

Les Passions de l’âme

Dans cette œuvre, Descartes se concentre sur la question des passions. Il s’agit donc d’un traité de philosophie morale, le dernier domaine de la philosophie abordé par Descartes. Celui-ci s’inscrit, avec cet ouvrage, dans la tradition de la réflexion philosophique sur les passions, tout en abordant ces dernières d’un point de vue physiologique novateur car précurseur de la neurophysiologie. Les Passions de l’âme (parfois appelé Traité des passions de l’âme) est un traité philosophique écrit par René Descartes et publié à Paris en 1649. Il s’agit du dernier livre de Descartes publié de son vivant. Celui-ci est écrit en français et dédié à la Princesse Élisabeth de Bohême.

Ce traité est aussi l’occasion pour Descartes d’éclaircir plusieurs problèmes qu’il avait posés dans ses précédents ouvrages. Ainsi, concernant le problème de l’interaction corps-esprit, il propose dans cet ouvrage des théories sur les « esprits-animaux » et le rôle selon lui central de la glande pinéale (ou épiphyse), établissant un lien entre les émotions humaines et la chimie du corps.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Passions_de_l%27%C3%A2me 

 Là encore, il faudra attendre Jung pour réhabiliter ce vocabulaire qui avait été confiné ainsi alors dans le domaine des sciences ésotériques, pour le remettre au goût du jour de la science psychologique. Cela constituera  d’ailleurs un point de rupture avec son « maître » et ami, Freud rejetant avec force cette perspective spirituelle.  A suivre Thierry Thouvenot dans sa définition de l’âme, on comprend qu’il désigne par là l’instance de notre être qui connecte notre incarnation à notre destin, qui nous inscrit dans notre corps,  dans notre propre niche écologique. C’est par notre âme, comme principe de vie, comme le révèle les différentes étymologies ( latine ->« anima » ,  sanskrite -> « Jiva »), que nous sommes connectés, unis au Vivant. Le fait  d’écouter son âme nous donne le sens de la vie et de notre vie, avec ce piège parfois difficile à éviter de la «  pensée magique », qui consiste à simplement se laisser séduire par l’illusion des désirs de l’égo …

Les pratiques associées dans ce guide d’éco-spiritualité font référence aux rituels chamaniques, que cela soit la rencontre avec notre animal de pouvoir, la quête de vision ou d’autres rituels que chacun peut se créer, en cherchant le passage, la porte étroite qui correspond à l’identification du personnage de l’égo qui doit être abandonné.
Ainsi, les voyages de l’âme peuvent-ils permettre d’accéder à l’être.  Pour Thierry Thouvenot, l’être est notre nature véritable, et il en témoigne personnellement au travers de différents moments d’éveil pour lui, qui évoquent ses traversées du « sentiment océanique » exprimé par Romain Rolland  ou de ce que dans  les pratiques Zen on appelle  « Satori », qui peuvent aussi correspondent dans d’autres cultures au Tao, à l’Atman.

Sentiment océanique

Le sentiment océanique est une notion psychologique ou spirituelle formulée par Romain Rolland, influencé par Spinoza, et qui se rapporte à l’impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l’univers (ou avec ce qui est « plus grand que soi »), parfois hors de toute croyance religieuse. Ce sentiment peut être lié à la sensation d’éternité.

L’expression paraît dans un courrier daté du 5 décembre 1927 et dans lequel Romain Rolland décrit à Sigmund Freud ce qui sera connu sous le nom de « sentiment océanique » : la sensation de ne faire qu’un avec l’univers, sub specie æternitatis, sensation à laquelle Romain Rolland attribue une connotation religieuse :

« Mais j’aurais aimé à vous voir faire l’analyse du sentiment religieux spontané ou, plus exactement, de la sensation religieuse qui est […] le fait simple et direct de la sensation de l’éternel (qui peut très bien n’être pas éternel, mais simplement sans bornes perceptibles, et comme océanique). »

En effet, à compter de 1923, et jusqu’en 1936, Romain Rolland entretient une discussion avec le fondateur de la psychanalyse sur le concept de sentiment océanique, puisé dans la tradition indienne, qu’il étudie alors avec ferveur.

Voir article wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sentiment_oc%C3%A9anique

Comme « le Tao que l’on peut nommer n’est pas le Tao véritable »,  l’être  ne peut être nommé, mais seulement expérimenté ;  l’usage des mots n’étant là qu’ imparfait, n’étant qu’une tentative limitée de décrire-relater l’expérience. Ainsi pour Thierry Thouvenot, l’éveil est lié à l’accès à l’être par le silence du mental, sans toutefois être un état d’arrivée stable mais plutôt un chemin d’expérience, dans la conscience vécue que  « Dieu est la nature ». Il fait aussi référence à cette expression de Spinoza « deus sive Natura » (Dieu c’est-à-dire la nature ) pour exprimer l’identité de l’être et du monde concret. Il y a pour  lui dans cette expression panenthéïste (tout est en Dieu) une  convergence avec la vision « des peuples premiers et des spiritualités mystiques, tel le taoïsme qui considère qu’une seule et même essence,  le Tao, se manifeste sous des formes infinies –  les dix mille êtres ».

La référence à Spinoza renvoie aussi à l’un des exercices pratiques proposés pour expérimenter l’être, le « je ne sais pas »,  qui permet de trouver la voie de « la connaissance intuitive » ( troisième genre de connaissance chez Spinoza ) ; exercice qui renvoie aussi à la sentence de Socrate «  je sais que je ne sais rien ». Une autre pratique méditative est proposée sur les intervalles (« ces  entre deux qui apparaissent entre deux perceptions, deux actions, deux émotions, deux pensées »)  et qui « sont comme des portes qui s’ouvrent sur le silence et l’espace sous-jacent à toutes les manifestations ». Cette partie pratique de l’être propose toutes sortes de méditations qui en donnent le sens profond, non pas comme une recherche de « bien-être » qui renvoie à une quête qui reste égotique, et que Chogyam Trungpa avait déjà identifié comme une dérive majeure de la méditation dans le contexte occidental et qu’il appelait « le matérialisme spirituel »,  mais plutôt comme un chemin paradoxal où l’être peut  rejoindre et se fondre dans le non-être,  selon la vision de la non-dualité développée  au sein de la doctrine bouddhiste du Madhyamaka de Nagarjuna.

L’Un.e

 Pour Thierry Thouvenot, tout ce travail de passage du corps, aux émotions, au  mental, à l’égo, au Soi, à l’âme et à l’être conduit à la réalisation de la conscience qui englobe toutes les perceptions, rompant le voile de l’illusion de la séparation ( Maya ), et permet de se fondre dans l’ Un.e
Thierry Thouvenot comprend l’Un dans une proche de l’écriture inclusive qui symbolise ici pour lui «  la notion chère au shivaïsme du Cachemire [qui est là l’une des expériences spirituelles qui l’inspire] du couple Shiva/Shakti, unis dans l’étreinte amoureuse du Yab-Yum  qui représente l’unité de la conscience absolue (Shiva) et de l’énergie universelle ( Shakti ) »
Pour lui, l’illusion de la séparation est au fondement de la crise écologique :

« l’ illusion d’un moi  séparé (intérieur) qui est conscient du monde (extérieur) est remplacée par la réalité d’une Conscience au sein de laquelle apparaissent tous les phénomènes, toutes les expériences »

La conscience de l’Un.e ouvre à l’amour inconditionnel, à « un immense « oui » inconditionnel  à tout ce qui est… « . Ce qui pose l’immense problème que relève Thierry Thouvenot de savoir si l’on peut aussi dire « oui » à la crise écologique ? Et si oui… Comment ?
Le « oui » ici, ne saurait se comprendre comme un simple résignation ou abdication à la situation sans rien faire. Le « oui », ici pour être complet, doit inclure le « oui » à la peur, à la colère, à la tristesse et à l’envie d’agir de toute urgence […] ce « oui » conduit tout naturellement à la mobilisation et à l’action ».

On retrouve ici le débat, et parfois la polémique, que soulève l’attention portée de plus en plus au phénomène de l’éco-anxiété. On peut en trouver une bonne expression dans cette série de 3 articles du journal « Reporterre »…

[1/3 L’écoanxiété, le mal de l’époque] L’angoisse liée à la crise climatique porte désormais un nom : l’écoanxiété. Comment les jeunes vivent-ils en s’attendant au pire ? Pourquoi l’écoanxiété est-elle devenue un outil au service du pouvoir ? Comment les émotions peuvent-elles devenir une arme politique ? Enquête en trois parties.

https://reporterre.net/Ecoanxiete-ces-jeunes-racontent-le-mal-qui-les-rongent 

Écoanxiété : ces jeunes racontent le mal qui les ronge

Face à la catastrophe climatique, l’écoanxiété mine de plus en plus sévèrement notre psyché. Elle s’enracine chez les nouvelles générations, dont les vies seront dramatiquement affectées par les désastres à venir. Reporterre a recueilli leurs témoignages.

Thierry Thouvenot note que « les spiritualités qui pointent en direction de l’Un.e sont les traditions non dualistes telles que le shivaïsme du Cachemire, l’Advaita Védãnta, le bouddhisme zen ou chan, les écoles mahamudrâ et dzogchen du bouddhisme tibétain, le taoisme des origines.. »

Comme on l’a vu au début de cet article, il conviendrait aussi de rappeler la tradition plotinienne,  sans doute inspirée par cette Grande Tradition orientale, mais qui, au sein de notre Occident, a continué à inspirer un courant de pensée constant au travers des siècles, avec ses hauts et ses bas, inspiré de la philosophie de la Nature du 18eme siècle engendrant le romantisme  du 19e siècle, des pensées de «  l’élan vital » au 20e siècle avec Bergson.  Aujourd’hui, c’est dans ce courant que s’inscrit la vision de L’Archipel du Vivant  comme on a pu le montrer dans la fiche pédagogique sur « la  philosophie du vivant ».

Crédit photo illustration principle : Mycélium des champignons

Pour aller plus loin, voici quelques liens utiles à découvrir sur notre site ressources :

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