De mars à avril, j’ai réalisé ma première expérience de woofing dans une ferme en Corrèze. Je voulais donc vous présenter cette jolie et ferme et ses habitants.

Olivier vit à Saint-Cyr la Roche dans une magnifique ferme avec sa femme Sophie. Olivier a eu plusieurs vies, il fut réalisateur, sculpteur, artiste, voyageur, méditant, fan de cuisine. Aujourd’hui, il se consacre à la mise en valeur de la nature qui se trouve sur son terrain. Il dit qu’il souhaite faire de l’art avec son terrain, tel un tableau où la peinture serait remplacée par des fleurs plantées ou poussant naturellement.

Olivier Balais en pleine explication botanique

L’élément déclencheur de son changement de vie fut le trop-plein, le trop-plein de la ville. Il vécut 2 périodes de 20 ans, une fois à Paris, l’autre à Bordeaux. Et vers 50 ans, tout s’est aggravé, même au niveau de la santé. Il décida donc de changer de cap. Il a cependant toujours perçu l’absurdité du monde dans lequel nous vivons. Ce besoin de changement se retranscrivait dans son travail de sculpteur, il faisait des arbres en fer, des oiseaux. L’appel de la nature était déjà présent. Mais ces actions ne lui permettaient plus de positiver par rapport à l’avenir.

« En tant qu’artiste j’ai trouvé trop égocentrique la création. Donc, mettre mon envie de créer au service de la vie était plus intéressant. J’essaye d’associer mon envie de créer avec le pouvoir créatif de la nature. On ne sait pas dans quoi on vit. C’est beaucoup plus intéressant qu’un art matériel. Le Livre de la botanique est beaucoup plus intéressant que la maigrichonne histoire de l’art. »

 

Il fut inspiré par Pierre Rabhi et d’autres penseurs des années 60. Le but de la pensée étant de positiver, même en ayant conscience que le monde peut s’écrouler. Son jardin et ses pâturages, c’est sa contribution pour un monde meilleur. Cela l’a aidé à changer de processus mental.

La ferme est également un lieu d’accueil de stages de méditation Vipassana deux fois par an. La pleine conscience est d’ailleurs un sujet qu’Olivier a à cœur. Il m’a de nombreuses fois conseillé de bien respirer lors du bêchage ou d’une action manuelle répétée, de prendre conscience de chaque geste tout en remerciant la terre pour tout ce qu’elle nous apporte.

Olivier cherche aussi à créer son activité pour subvenir à ses besoins. Ayant été artiste toute sa vie il n’a pas cotisé aux régimes sociaux français.

« Pour moi ce qui était important aussi c’était que comme il est obligatoire maintenant d’avoir une activité professionnelle c’est d’arriver à fabriquer une activité pas seulement dans l’environnent dans lequel je suis, mais avec. »

Bourrache ou Borago officinalis plante comestible dont les fleurs ont le gout d’huitre

La ferme vue depuis le poulailler

Son projet est de vendre des fleurs comestibles certifiées nature et progrès à des restaurateurs·trices tout en devenant de plus en plus autonome au niveau alimentaire. Il pratique la permaculture en agglomérant des techniques : ne pas faucher entre les serres, laisser des auxiliaires végétaux et des insectes, il compose avec la nature.

Cela fait maintenant 6 ans qu’ils sont installés dans la ferme, mais ce ne fut pas un long fleuve tranquille : « On était d’accord Sophie et moi pour quitter Paris. Elle y est née et y a passé sa vie. Ce fut compliqué pour elle d’en partir, car en tant qu’artiste, si tu n’habites plus dans la capitale tu es has been. » (Sophie est actrice)

Elle y avait ses enfants, sa famille. Sophie ayant acheté un appartement à Paris, elle a pu le revendre pour acheter la ferme à 300 000 euros et faire des travaux.  À la fin il ne restait plus de sous pour le jardin, mais personne n’avait de dettes. Il a fallu se débrouiller.

Olivier envisage sa production de légumes et de fleurs comestibles comme « vivrière pour une autonomie ». L’idée est de combiner la cueillette sauvage et de faire pousser certains légumes pas trop complexes.

Cultiver le jardin il l’a appris tout seul, dans sa famille personne n’y connaissait rien. Mais déjà petit il conservait des pépins de pommes pour les replanter et avoir la chance de voir des pommiers pousser. Il a appris sur le tas comme on dit, avec des livres, internet, quelques formations.

Le goût de la cuisine fut aussi une porte d’entrée, il a toujours aimé cuisiner. Il trouve que la cuisine d’aujourd’hui n’a plus vraiment de sens : « Les gens ne font pas assez d’efforts. Il faudrait que l’acte de manger soit aussi important que le reste. Aujourd’hui on est dans la facilité du lourd à digérer ce qui n’est pas très logique ».

Aujourd’hui il travaille toute l’année à la mise en place d’un système végétal vertueux, respectant le cycle naturel de la forêt (la nature veut créer des forêts). Des arbres de différentes variétés sont plantés, mais les arbres sauvages qui arrivent tout seuls sont laissés. Toutes les plantes interagissent entre elles, l’idée est de favoriser ces interactions.

Assiette de diverses fleurs et plantes comestibles (Jacinthe, Glycine, Moutarde, etc)

Pourquoi la permaculture ?

Dans les années 70 arrivent dans les universités les lobbies de l’agro-industrie et les convictions qui les accompagnent, mais en même temps on invente ailleurs la permaculture. Le vrai savoir disparaît des universités. Le Club de Rome fait à la même période le constat dramatique que l’on connaît. On sait que les choses vont se dégrader petits à petit, que de nouvelles maladies vont émerger, mais les pratiques ne changent pas pour autant.

La permaculture c’est selon Olivier un savoir qui existait déjà avant.  On combine les savoirs anciens avec les savoirs biologiques et le bon sens. Chaque pays, chaque culture peut conserver sa propre manière de cultiver, la permaculture ne sera pas la même en Afrique ou en Italie. Tout n’a pas encore disparu selon lui.

Aujourd’hui se joue une espèce de bataille entre l’industrie phytosanitaire et les permaculteurs.

Un beau faisan qui est parti vivre sa liberté

La serre aux fenêtres récupérées

Olivier met en garde les utopistes d’un mode de vie idéalisé. Il affirme qu’il faut au moins avoir un salaire pour commencer. La permaculture prend du temps et beaucoup d’énergie humaine doit être dépensée. Et il faut compter plusieurs années, au moins 5 ans pour que cela devienne rentable. De plus le foncier n’est souvent pas cher dans les campagnes, mais il n’y a pas beaucoup de demandes pour l’achat des produits, car beaucoup ont déjà leurs potagers, en revanche le foncier autour des villes est très cher, mais c’est la que l’on peut trouver des clients. Tout cela rend l’installation plus complexe.

La ferme Du Bec hellouin est un exemple de réussite économique dans le domaine de la permaculture, mais ils ont passé plusieurs années compliquées et difficiles, des moments épuisants même en travaillant en mode permaculturel.

Et pour la suite ?

Olivier ne vit pas encore de son activité de vente de fleurs comestibles et il se confronte à plusieurs problématiques, le transport des fleurs est complexe et cher et trouver des clients réguliers n’est pas facile. Pour l’instant, avec tout ce qu’il fait pousser et ramasse il remplit la chambre froide – et économise 4000 euros de dépenses alimentaires par an – en : compotes, tomates en conserves, poireaux oignons en conserves, ketchups, citrouilles, confiture de citrouilles et citrons, etc.

Il ramasse aussi et/ou fait pousser des plantes pour des infusions médicinales ce qui lui fait économiser 400 euros par an.

Olivier souhaiterait réaliser des week-ends découverte de plantes sauvages et des fleurs comestibles. Les visiteurs apprendraient à y reconnaître les plantes et ces plantes seraient cuisinées collectivement puis partagées dans des repas conviviaux.

Olivier reste tout de même positif au jour le jour, apaisé, conscient de son impact sur le monde, tout en sachant que c’est une goutte d’eau dans l’océan.

La pratique de la pleine conscience au sein de ses gestes est quelque chose qu’il cultive, il commence à s’ouvrir à d’autres vérités, que son esprit plutôt cartésien ne lui permettait pas d’accepter. Il se sent plus connecté au grand tout, à la nature, à la danse des planètes. La pousse des bourgeons et les mouvements de la sève seraient liés aux mouvements des différentes planètes dans le système solaire. Le nom des arbres que l’on connaît serait lié à ce savoir-la des anciens. Aujourd’hui nous serions en train de retrouver ces savoirs par le biais de la science.

Olivier souhaite continuer à apprendre à s’émerveiller de la nature et du monde. Peut-être que le lieu qu’il crée aujourd’hui sera celui dont prendront soin les générations futures, peut être les enfants de Sophie. 

Et il sait que partout dans le monde il y a de plus de en plus de lieux comme celui-là, il n’est plus seul à présent !

Petit guide botanique utile

Plantain Plantago major, utile pour les plaies car antiseptique

Sauge Salvia officinalis, pour purifier un lieu ou en tisane contre la douleur des règles

L’ortie Utica Dioica comestible, riche en nutriments, bon pour sol etc

Le pissenlit Taraxacum officinale tout est comestible fleurs feuilles racines, on peut en manger toute l’année, bon pour les reins

Merci infiniment à Olivier, Sophie, Thomas, Viccie, et Rudy (le collègue woofeur) pour ces belles semaines !

Bonne pousse !

Pour aller plus loin, le site web de Olivier pour les fleurs comestibles : https://www.unflorilege.fr/

Et de Sophie pour le gîte et les retraites de Vipassana : https://www.laforetduburg.com/