Transition… je vous propose de plonger dans l’océan de l’absurde, dans la mer de la folie douce, un lieu imaginaire où tout est possible. Un monde merveilleux où les énergies seraient propres, où une croissance verte pourrait être découplée de toute empreinte écologique, où le développement serait durable, où les émissions de carbone pourraient être neutralisées et où les multinationales seraient engagées dans le reboisement de la planète.
Bienvenue sur Terre ou plutôt dans le monde de l’écologie naïve, bienpensante et aussi déconnectée du réel et des lois élémentaires de la physique que le système destructeur qu’elle essaie de faire évoluer !

Fausse transition, concepts « bullshits » et Greenwashing hypocrite ne remettent en question ni la dimension extractiviste-productiviste-consumériste-déchetiste de notre civilisation, ni les objectifs criminels de croissance, de profit et de libre-échange de notre société. Ces fausses solutions entretiennent notre système destructeur en le rendant faussement plus présentable, faussement plus vertueux. Un petit coup de baguette magique verte et le tour est joué ! Ou comment faire semblant de tout changer sans rien changer !
Avant même de déconstruire ces inepties irresponsables, commençons déjà par dynamiter le concept illusoire ou légendaire de transition.

LA TRANSITION EST UNE VÉRITABLE MASCARADE !

« Admettons-le sans détour : la transition n’a pas lieu. Aucun signe tangible, aucune statistique sérieuse, aucune tendance solide n’accrédite cet espoir. Le sursaut des consciences, l’inflexion écologique des politiques publiques, la mise en mouvement des entreprises privées, l’influence des ONG ne sont malheureusement que vues de l’esprit. Nous avons lamentablement échoué à mobiliser la société. »Jean-Marc Gancille – « Ne plus se mentir » – Rue de l’échiquier, avril 2019

La transition n’a jamais commencé, elle requiert un temps que nous n’avons plus et de surcroît elle vise un mauvais objectif.

Transition ? Elle n’a jamais réellement commencé…

Une transition doit nécessairement avoir un début. Or, loin de se substituer les unes aux autres, les énergies se sont toujours… additionnées ! Ainsi, le pétrole n’a jamais remplacé le charbon, pas plus que le nucléaire n’a remplacé le pétrole. Autant le dire tout de suite, celles et ceux qui imaginent que les énergies renouvelables vont finir par remplacer le pétrole se trompent.

Le mix énergétique mondial n’a pas évolué depuis… 1980. Selon le World Energy Outlook publié par l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie) en 2017, les énergies fossiles fournissent toujours l’essentiel de la consommation d’énergie de l’humanité, soit 82% : 32% pour le pétrole, 28% pour le charbon et 22% pour le gaz naturel. Le nucléaire représente 5%, l’hydroélectricité 2%, les biocarburants et les déchets 10%. Les énergies renouvelables (solaire et éolien principalement), quant à elles, ne couvrent que… 1% de la consommation mondiale. Ainsi, malgré leur développement, leur proportion dans le mix énergétique n’évolue pas car, dans le même temps, les énergies fossiles continuent d’être utilisées toujours en plus grande quantité.

Par ailleurs, comme nous l’avons vu, la fin du pétrole s’accompagnera inévitablement de la fin des autres énergies puisque, sans pétrole, leur extraction, leur raffinage, leur transformation et leur transport sont tout simplement impossibles !

« C’est dur de l’admettre, mais il n’y a aujourd’hui aucune transition énergétique. En dépit de taux impressionnants de croissance des renouvelables en valeur absolue, on a ajouté deux fois plus de pétrole et de gaz que d’électricité renouvelable, entre 2011 et 2016. Le mythe d’une substitution des énergies sales par des énergies propres, entretenu à dessein par « les marchés » et les responsables politiques, se fracasse sur la réalité d’un phénomène cumulatif : la très faible croissance des renouvelables s’ajoute à la croissance soutenue des fossiles. Nous consommons toujours plus d’énergie au global. » Jean-Marc Gancille – « Ne plus se mentir » – Rue de l’échiquier, avril 2019

Transition ? Nous n’avons plus le temps !

Une transition, cela implique nécessairement du temps. Or, nous en manquons cruellement… Aujourd’hui, il nous faut aller vite et changer radicalement à peu près tout. Je propose donc de remplacer l’expression « Transition écologique » par celle de « Rupture écologique » !

« Aussi, nous appelons tout écologiste conséquent à rayer le mot « transition » de son vocabulaire. Ce mot d’ordre de l’écologie politique a représenté une étape dans le mouvement des idées. Mais bien que pertinent pour évoquer le nécessaire changement de notre modèle de développement, il induit en erreur. Il laisse à penser que l’écologie n’est qu’un enjeu de long terme. La transition a ainsi été récupérée par les tenants du conservatisme pour renvoyer l’action à plus tard, comme un prétexte à l’inaction présente. C’est autour de cette notion que se noue le consensus trompeur qui nie la nécessité de trancher maintenant, de décider dès aujourd’hui et quotidiennement en faveur des enjeux vitaux. À son corps défendant, la dimension civilisationnelle du concept, dont témoigne par exemple l’expérience des villes en transition, a été niée au profit d’une interprétation paresseuse qui réduit les changements à opérer à une simple transition technologique. Appeler à « accélérer » la transition ne peut pas être un mot d’ordre pertinent, puisque cela consisterait à faire plus vite ce que l’on fait mal ou pas du tout aujourd’hui. » Delphine Batho – « Écologie intégrale. Le manifeste », éditions du Rocher, Janvier 2019

Transition ? L’objectif n’est pas le bon !

Une transition, c’est le passage d’un état A à un état B. Dans la transition telle qu’elle est plébiscitée, promue et faussement amorcée, l’état A correspond à notre Système extractiviste-productiviste-consumériste, capitaliste, néolibéral et mondialisé, carburant principalement aux énergies fossiles. L’état B visé ne se distingue de l’état A que par son seul caractère décarboné – les énergies renouvelables remplaçant les énergies fossiles – sans aucune remise en question de la dimension terriblement destructrice de notre civilisation pour la vie sur Terre. Et le comble est que les énergies renouvelables sont aussi sales et toxiques que les énergies fossiles, comme nous le verrons plus loin.

La transition tant vantée par les écologistes de tout poil et les militant·e·s du mouvement climat est purement énergétique. Pas si surprenant puisque leur combat se réduit à lutter contre le réchauffement climatique.

L’ambition d’une véritable transition digne de ce nom aurait dû être globale, systémique, sociétale, pour passer de notre société écocidaire, socialement inégalitaire et faussement démocratique à une société respectueuse de l’ensemble du vivant, humainement juste et enfin réellement démocratique. Cette transition aurait dû commencer dès la publication du Rapport Meadows en 1972. 50 ans plus tard… il ne s’est rien passé et nous n’avons plus une minute à perdre. Pour construire une toute nouvelle société, il va nous falloir abandonner cette lamentable transition pour une puissante et radicale révolution !

STOP AUX CONCEPTS « BULLSHIT » ET AU GREENWASHING HYPOCRITE !

« Notre espèce avance comme le crabe en se persuadant qu’elle a entamé sa marche en avant ; ou selon la trajectoire de l’ivrogne en proclamant qu’elle va droit au but ! Elle répète que tout sera mieux demain grâce aux sciences, aux techniques, aux énergies, aux nouveaux matériaux, aux fusées, aux ordinateurs, aux robots, aux OGM ou au clonage… » Yves Paccalet – « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! »

Si nous sommes nullissimes pour prendre les décisions évidentes qui s’imposent, nous sommes d’une ingéniosité machiavélique pour inventer des concepts aussi séduisants que malhonnêtes, tenter de dissimuler les activités les plus vicieuses derrière de grands engagements vertueux ou encore imaginer des solutions anecdotiques ou inutiles, voire même contre-productives. Pourquoi ? Tout simplement pour la raison aussi évidente que déconcertante de ne surtout pas remettre en question notre si confortable niveau de vie, notre si fière industrie, notre si noble agriculture, notre si belle économie, notre si probe finance, notre si grande démocratie, notre si irrésistible amour des voyages à l’autre bout du monde, nos si agréables petits plaisirs du quotidien, notre si incommensurable foi dans la fabuleuse technologie. Peu importe finalement si nous participons toutes et tous à notre échelle à cette grande entreprise collective de destruction massive du vivant. Peu importe que notre train de vie soit absolument non soutenable et que nous foncions vers le précipice.
Pourquoi donc tout balayer alors qu’il suffit de remplacer les énergies fossiles si sales par des énergies renouvelables si « propres«  ?
Pourquoi donc tout balancer alors qu’il suffit de verdir notre croissance ?
Pourquoi donc tout arrêter alors qu’il suffit de circulariser notre économie ?
Pourquoi donc tout faire sauter alors qu’il suffit de rendre notre développement tout simplement durable ?
Pourquoi donc tout abandonner alors qu’il suffit de compenser nos émissions de gaz à effet de serre pour les neutraliser ?
Pourquoi donc tout changer alors qu’il suffit de planter des millions d’arbres pour continuer de tout dézinguer ?
Énergies « propres », croissance « verte », développement « durable », économie « circulaire », « Neutralité » carbone… nous sommes devenu·e·s les championnes et les champions de l’oxymore, les reines et les rois de l’antinomie, les artisanes et les artisans de l’absurde, les orfèvres du paradoxal, les artistes de notre propre chaos. Pour en faire un chef d’œuvre, nous trempons notre plus beau pinceau dans un verre de chlorophylle acide. Quel talent, quel génie, quelle virtuosité !

Énergies « propres »

Lorsque nous imaginons remplacer les énergies fossiles, nous pensons spontanément aux énergies « vertes » ou « propres », les fameuses énergies renouvelables. Elles seraient LA solution à tous nos problèmes. Elles permettraient notamment de réduire considérablement nos émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) afin d’atteindre la neutralité carbone tout en favorisant la création de millions d’emplois. Fantastique, non ?

NON, car, nous l’avons déjà dit, contrairement à ce que l’on pourrait spontanément penser, aucune énergie ne s’est jamais substituée à une autre… elles s’additionnent.

NON, car aucune énergie n’est « propre » !
En effet, si le soleil ou le vent sont bien « renouvelables » et infinis, il n’en est rien des matériaux, métaux ou minéraux qui entrent dans la composition des panneaux photovoltaïques, des éoliennes ou des batteries des voitures électriques. Et si ces sources d’énergie « verte » n’émettent aucune pollution, aucun gaz à effet de serre, lors de leur fonctionnement, c’est oublier un peu vite celle bien réelle à l’origine et à l’issue de leur cycle de vie.
L’exploitation de ces matériaux (silicium, cuivre, verre et aluminium pour le photovoltaïque ; acier, béton, carbone ou fibre de verre pour les éoliennes ; métaux rares pour les batteries des voitures électriques, le stockage de l’éolien offshore et du solaire, mais aussi la technologie photovoltaïque du film mince…) est catastrophique pour l’environnement.
Par exemple, pour séparer les métaux rares présents en infime quantité de la roche non exploitable, il faut de très grandes quantités de solvants chimiques rejetés dans la nature… À la fin du XXème siècle, pour mettre fin à la pollution dramatique des sols et de rivières, les États-Unis et… la France ont stoppé l’exploitation de ces métaux rares présents sur leurs territoires. C’est alors que la Chine et la République démocratique du Congo s’en sont emparés, au détriment de leur environnement… et de celui de la planète. La Chine a fait de l’exploitation des métaux rares un formidable moyen de pression économique sur l’ensemble du monde, avant peut-être une guerre un jour comme il y en a eu tant pour le pétrole. D’ailleurs, pour ne rien gâcher, ces métaux entrent également dans la composition des armes les plus sophistiquées.
En ce qui concerne le solaire, le passage du quartz dans lequel est contenu le silicium aux modules photovoltaïques nécessite de nombreuses étapes qui une fois encore a une empreinte écologique aussi destructrice qu’énergivore : carbo-réduction du quartz pour obtenir le silicium, raffinage, cristallisation, découpe en plaquettes, fabrication de cellules et assemblage en modules.
N’oublions pas non plus que, de l’extraction des matériaux à la fabrication des panneaux photovoltaïques, éoliennes et batteries électriques, en passant par leur acheminement, les différentes opérations sont très énergivores et donc dépendantes… du pétrole avec toutes les émissions de carbone associées. Si nous ne les subissons pas chez nous, elles existent bien quelque part et contribuent activement au réchauffement climatique de notre toute petite planète.
En outre, ces énergies étant intermittentes par nature, leur stockage nécessite des infrastructures, elles aussi très énergivores et polluantes dans leur conception.
Enfin, ces métaux ne sont pas recyclés ou si peu (- de 1%) … Les appareils qui en utilisent, comme nos joujoux électroniques par exemple, finissent bien souvent dans des décharges à ciel ouvert au Ghana où ils attendent impatiemment les futures batteries de nos Tesla, ZOE et autres BMW i3. Plutôt que de les recycler nous-mêmes dans nos pays occidentaux consommateurs, nous préférons envoyer nos déchets électroniques hautement toxiques vers de lointaines latitudes où ils seront dépiautés par de jeunes enfants et adolescents au péril de leur santé, de leur vie.
Il est donc un peu facile, pour ne pas dire complètement hypocrite, de qualifier ces énergies de « propres » et totalement illusoire de lutter contre le réchauffement climatique en remplaçant par exemple les voitures thermiques par des voitures électriques. Les voitures électriques sont tout aussi polluantes que les voitures thermiques. Pire, en faisant l’acquisition de ces nouveaux véhicules, activement promus par les constructeurs automobiles, les faux écolos – les riches qui changent de voiture comme de chemise – boostent leur production. Or, chaque nouvelle voiture est une voiture de trop !

Et NON, car lorsque les matériaux seront pour certains épuisés à leur tour, ou que nous n’aurons plus suffisamment de pétrole pour aller les chercher, les raffiner, les transformer et les transporter… il nous faudra dire adieu au photovoltaïque, à l’éolien comme à tous les composants électroniques et donc à nos jolis joujoux : smartphones, tablettes, ordinateurs et autres enceintes connectées… KO Google !
« Les énergies renouvelables n’ont pas assez de puissance pour compenser le déclin des énergies fossiles, et il n’y a pas assez d’énergies fossiles (ou minerais) pour développer massivement les énergies renouvelables de façon à compenser le déclin annoncé des énergies fossiles. » Pablo Servigne et Raphaël Stevens – « Comment tout peut s’effondrer »
Il ne s’agit plus aujourd’hui de nous demander quelle énergie utiliser, mais bien comment nous en passer !
Il est grand temps de passer d’une logique de remplacement à une dynamique d’abandon en passant par une phase – la plus courte possible – de descente énergétique (déjà engagée) et donc forcément de sobriété.
Comme le rappelle fort judicieusement Yves Cochet dans son livre « Devant l’effondrement«  es seules et uniques vraies énergies de demain sont celles d’hier :
1. nos muscles,
2. la traction animale (à condition d’être OK avec le principe et sans doute en échange d’autres services à rendre aux animaux non humain),
3. le bois, le charbon de bois, le vent et l’eau, le biogaz.
« Si l’effondrement systémique mondial imminent n’entraîne pas la disparition de l’espèce humaine, les habitants de la France dans la seconde moitié du XXIème siècle pourraient bénéficier de trois sources principales d’énergies renouvelables thermiques, produites localement : le bois de chauffage, le charbon de bois et le biogaz. Complémentairement, la domestication élémentaire de l’eau et du vent (roues à aube, moulins à vent), ainsi que l’utilisation d’animaux de trait (bœufs et chevaux), pourraient fournir un peu d’énergie mécanique. » Yves Cochet – « Devant l’effondrement – Essai de Collapsologie »

Croissance « verte »

Associer ces deux termes relève de l’exploit, assurément. Sur le papier, la promesse est pourtant belle : développer des énergies « propres » tout en créant par la même occasion des millions d’emplois ! Soit un projet doublement vertueux. Mais… non ! C’est un double mirage puisque la croissance est non seulement une arme de destruction massive du vivant, mais aussi de l’emploi.
Aucune croissance n’est verte, toute croissance est une arme de destruction massive du vivant et de notre maison « punta basta ».
Qu’elle carbure aux métaux rares plutôt qu’aux énergies fossiles n’y change strictement rien. Toute croissance se base sur l’épuisement inéluctable des ressources non renouvelables et sur la surexploitation des ressources renouvelables, à un rythme trop soutenu pour permettre leur régénération. Toute croissance s’accompagne du rejet inévitable de pollution et de déchets inhérent·e·s à la transformation de matériaux, à la production de biens et de services, au transport des marchandises… Toute croissance entraîne des dégâts irrémédiables. L’addition de ces trois typologies d’impacts constitue notre empreinte écologique.
Comme nous l’avons vu avec la brillante démonstration d’Arthur Keller, dans la 1ère partie, cette empreinte écologique ne peut pas durablement dépasser la biocapacité de la planète. Or, malheureusement, c’est déjà le cas depuis 50 ans ! Et tout découplage entre l’économie et l’écologie, c’est à dire entre la poursuite d’une croissance « verte » et une réduction de notre empreinte écologique est une vue de l’esprit.
Dans son livre « Devant l’effondrement – Essai de collapsologie », Yves Cochet dénonce lui aussi cet impossible découplage : « On emploie le terme « découplage » pour qualifier une croissance du PIB sans croissance de la consommation d’énergie. Cependant, en moyenne depuis 1970, chaque augmentation (ou diminution) de 10% de la consommation d’énergie primaire a induit une augmentation (ou diminution) de 0,6% du PIB mondial. Autrement dit, depuis quarante-neuf ans, malgré les progrès techniques et l’amélioration de l’efficacité énergétique, il y a une corrélation positive entre activité économique et énergie. Le « découplage » n’existe pas. Or, dans tous les scénarios examinés lors du débat sur la loi « relative à la transition énergétique et à la croissance verte » (2013-2015), le contraire est affirmé pour les trente-cinq ans à venir (2015-2050). Il est ainsi écrit que, à l’horizon 2050, la France réussira le tour de force inédit dans l’histoire de diviser par deux sa consommation d’énergie tout en multipliant par deux son activité économique. Consommation d’énergie -50%, PIB +100% ! Je suis disposé à écouter tout économiste, politicien ou expert susceptible de me démontrer la plausibilité de ce scénario. Plus sérieusement, je crains que cette dernière fantaisie, ajoutée aux précédentes – l’oubli de l’énergie nette (EROEI) et la sous-estimation du peak oil -, ne discrédite complètement la transition énergétique et la loi afférente. Ces trois paramètres sont pourtant nécessaires à la compréhension du monde énergétique et, au-delà, à l’analyse de la catastrophe multiforme qui guette la planète. »
Yves Cochet ne dit ici pas autre chose que Pablo Servigne et Raphaël Stevens lorsqu’ils soulignent le manque de puissance des énergies renouvelables et la pénurie pétrolière qui va nous empêcher de les développer massivement.

Comment une croissance pourrait-elle être « verte » ? Seule la décroissance l’est !
Plutôt que de créer des emplois « classiques » pour développer les énergies renouvelables et poursuivre notre entreprise collective de destruction massive du vivant sur Terre, nous ferions mieux de confier un travail, une mission, au plus grand nombre, en créant de nouveaux métiers pour nettoyer, réparer et dépolluer notre maison tout en laissant au maximum les différentes formes d’énergies dans le sol. Seule une véritable décroissance – ou « post-croissance » – choisie (avant qu’elle ne soit subie) permettra de préserver les conditions d’habitabilité de notre planète. Nous évoquerons la distinction majeure entre emploi et travail dans le Tome 2 (« Écrivons un nouveau récit pour sauver la vie »).

Développement durable

Les deux termes de cette expression semblent pour le moins antinomiques, surtout sur une planète aux ressources finies. Pourtant, le développement durable eut été envisageable dans les années 1970 si l’humanité tout entière avait modifié radicalement son mode de vie et diminué drastiquement son train de vie pour les rendre soutenables en maintenant notre empreinte écologique sous la biocapacité de la Terre. Pour y parvenir, il nous eut fallu abandonner au passage nos délires de confort consuméro-matérialiste. Évidemment, il n’en fut rien !
Aujourd’hui, le développement n’est plus possible et sa durabilité encore moins puisque l’effondrement est en cours et que la biocapacité de notre planète est dépassée depuis… les années 1970. Cela fait donc 50 ans que nous vivons à crédit.
« Il est trop tard pour le développement durable, il faut se préparer aux chocs et construire dans l’urgence des petits systèmes résilients. » Dennis Meadows lors de sa tournée européenne en 2011-2012
Je propose donc de remplacer l’expression « Développement durable » par « Frugalité durable » ou « Sobriété durable » !

Économie « circulaire »

Une économie fonctionnant en boucle et qui du coup ne créé aucun déchet, en voilà une idée lumineuse ! Oui, mais non. Car, pour mettre en place une telle dynamique censée être « vertueuse », une entreprise commence forcément par produire de nouveaux biens à partir de matières premières. Et même si ces biens s’inscrivent ensuite dans une logique de recyclage, encore faut-il que la totalité des biens produits soit récupérée. Sans oublier, que si certains matériaux sont recyclables, la plupart ne l’est pas à l’infini. Et sans oublier non plus que toute opération de recyclage s’accompagne inévitablement d’une consommation d’énergie…
Et si nous sortions enfin de notre logique extractiviste-productiviste systématique ! La vraie bonne idée, selon moi, serait de récupérer tous les déchets existants pour les recycler au maximum plutôt que de continuer de les détruire (industrie textile) ou de les envoyer par containers dans les pays du sud (plastique et électronique), en Afrique (Ghana) ou en Asie (Malaisie) où ils finissent dans d’immenses décharges à ciel ouvert, dangereusement manipulés par des enfants qui s’empoisonnent à essayer d’en extraire quelques métaux.

« Neutralité » carbone

Introduite pour la première fois dans un accord international en 2015 (Accord de Paris sur le climat), la neutralité carbone (ou zéro émission nette) est un état d’équilibre à atteindre, à l’intérieur d’un périmètre donné, entre les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère (émissions négatives) via les méthodes utilisées par l’homme pour restaurer, sauvegarder ou renforcer la capacité d’absorption des puits de carbone naturels (forêts, sols et océans) et les méthodes faisant appel à la technologie, appelées « technologies d’émissions négatives » (TEN).
Si vous vous demandiez pourquoi Total ou d’autres multinationales annoncent des grands projets de plantation d’arbres, vous avez la réponse.
Voilà encore un concept qui semble être aussi louable que vertueux et qui pourtant n’est ni plus ni moins qu’une formidable caution pour surtout ne rien changer et poursuivre tranquillement nos émissions de Gaz à Effet de Serre pourvu que l’on trouve comment les équilibrer ou pire… les compenser (même logique que le Droit à polluer). Malgré les nombreux engagements pris et accords signés par les états membres de la communauté internationale, bien loin de diminuer, nos émissions de GES continuent année après année d’augmenter. Cette neutralité carbone est donc un extraordinaire levier pour légitimer l’utilisation de technologies fort dangereuses comme celles de la géo-ingénierie qui seront indispensables puisque nous ne parviendrons ni à réduire suffisamment nos émissions, ni à les compenser complètement de manière naturelle. Et comme d’habitude, l’ambition est à la hauteur de l’enjeu puisque la date retenue par le GIEC (Rapport 2018) pour atteindre cette fameuse neutralité carbone est… 2050, pour ne pas dépasser 1,5°C d’augmentation de la température moyenne mondiale en 2100 (ou 2075 pour ne pas dépasser 2°C). C’est tout de même incroyable ! Comme je l’ai déjà dit, si nous arrêtions toute émission de GES aujourd’hui même (en 2020), le réchauffement climatique se poursuivrait encore pendant au moins 30 ans, c’est-à-dire jusqu’en… 2050 qui est précisément la date retenue par la communauté internationale pour atteindre la neutralité carbone… Quel monumental foutage de gueule !
La baguette magique « neutralité carbone » est infiniment plus puissante que la célèbre baguette de sureau passée entre les mains d’Albus Dumbledore, Lord Voldemort et Harry Potter lui-même ! Son pouvoir défie toutes les lois naturelles. Elle est en effet capable de limiter le réchauffement climatique global à +1,5°C à la fin du siècle alors même que nous en sommes déjà à +1,2°C depuis l’ère pré-industrielle. Quelle bonne blague ! En fait, tous les spécialistes savent très bien que l’objectif de +1,5°C est intenable – puisque nous devrions atteindre les +2°C entre 2040 et 2050 – et qu’il le serait de toute manière, même si nous arrêtions toute émission aujourd’hui. Non, neutralité carbone ou pas, la tendance est plutôt à une augmentation, au minimum, de 4°C à 5°C de la température moyenne mondiale en 2100. Enfin, n’oublions pas que le GIEC n’évoque que la « neutralité carbone » relative au seul CO2 et non la plus pertinente « neutralité climatique » relative à l’ensemble des gaz contribuant au réchauffement climatique (CO2 + méthane, protoxyde d’azote, CFC…). Quant à l’inquiétante santé du Phytoplancton, à la préoccupante extinction des baleines ou à la terrifiante bombe à retardement du Permafrost, le GIEC et la communauté internationale préfèrent les ignorer. Un petit coup de baguette magique « neutralité carbone » et hop : disparues !
Au vu de la dégradation accélérée des conditions d’habitabilité de la Terre, il serait temps d’arrêter de nous fixer des objectifs débiles en 2050 pour limiter l’augmentation globale de la température en 2100 et commencer à nous fixer des objectifs radicaux en 2020 pour que l’humanité ait encore une chance de voir 2050 !

RSE, B Corp et autres entreprises à mission = « Greenwashing » à tous les étages !

Oui, certain·e·s d’entre vous risquent fort de me trouver bien dur avec ces initiatives plus ou moins vertueuses. Et pour cause !
« Financiarisé », « assujetti à des intérêts de court terme », sous la coupe d’actionnaires obsédés par la « maximisation du profit », telle est la présentation implacable du monde de l’entreprise co-signée par Nicole Notat, patronne de la société d’évaluation sociale et environnementale Vigeo Eiris, et… Jean-Dominique Senard, alors président de Michelin. Remis au gouvernement français en mars 2018, leur rapport sur le lien entre les entreprises et l’intérêt général s’inscrit dans le cadre du projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Hélas, prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux, détermination d’une raison d’être ou encore qualification d' »entreprise à mission »… ne changeront rien. Pas plus que la Qualité de vie au travail ou une démarche engagée de RSE (Responsabilité Sociale – ou Sociétale – de l’Entreprise). Au mieux, elles feront passer la pilule plus facilement. À l’exception des organisations de l’Économie Sociale et Solidaire ou des Coopératives (SCIC et SCOP), l’objectif d’une société est… capitaliste : se nourrir de la croissance et de la consommation pour dégager du profit.
Avec la meilleure volonté du monde, la politique de RSE ou de « développement durable » des multinationales les plus destructrices de notre planète et de la vie sur Terre, aussi formidablement engagée soit-elle, n’empêchera jamais Total de poursuivre la recherche de gisements d’hydrocarbures en creusant toujours plus profond, Bayer-Monsanto de lancer de nouveaux produits chimiques pires que le Glyphosate, Coca-Cola de transformer en soda l’eau potable de pays en situation de stress hydrique, Société Générale de spéculer sur le cours des matières premières alimentaires (blé, riz, maïs…) ou Ferrero de contribuer à la déforestation en Asie du sud-est pour vendre toujours plus de pots de Nutella bourré d’huile de palme…
Ce Greenwashing a pour unique objectif de poursuivre la gigantesque entreprise de destruction massive du vivant en se donnant bonne conscience. Le capitalisme et son triple moteur – croissance infinie, compétition toxique et hyperconsommation destructrice – pose un double problème : insoutenabilité et incompatibilité avec la préservation de la vie sur notre planète. Que certaines organisations soient labellisées « B Corp » ou « Entreprises à mission » relève selon moi de la même hypocrisie. Rien ne changera l’ADN de l’entreprise capitaliste.
Seule une économie véritablement respectueuse des fragiles équilibres du système-Terre et limitée à l’échelle locale du territoire – au sein d’un réseau de petites unités voisines reliées entre elles (villages en transition, écovillages, ZAD) – est acceptable.

… Afin de poursuivre cette odyssée aux confins de l’absurde, nous évoquerons prochainement :

  • Un univers fantastique où le vent et le soleil remplaceraient le pétrole et le charbon dans le cadre d’un « New Deal » green ; où l’économie serait régénérative ; où le réchauffement climatique pourrait être inversé ; où la finance serait mise au profit du climat, où le monde signerait un traité de paix économique.
  • Un espace-temps parallèle où la technologie nous sauverait en nous proposant un explosif cocktail IA-transhumanisme-informatique quantique, où enfin nous partirions à la conquête de Mars et même de l’univers !

Ce texte est issu de mon livre “Le climat n’est pas le bon combat” que vous pouvez acquérir ici

Le climat n'est pas le bon combat couverture

Pour aller plus loin, voici quelques liens utiles à découvrir sur notre site ressources :