Ce texte a été diffusé au format courriel, 1 courrier électronique par jour, lors d’un voyage de 11 jours à vélo en 2020.
“Dans mon village, chacun fait son pétit métier”
Jour 2 : Ceux qui font vivre les villages.
Lundi 14 Septembre.
Je suis mal barré ! La route est magnifique, je passe d’étangs en lacs, de plateaux en plateaux, de montées en descentes. J’entre dans le plateau de Millevaches, il porte bien son nom, il y a des milliers de bovins et aucun humain. Comment vais-je me procurer le plaisir d’une rencontre ?
J’en ai envie, les traces de vie présentes dans les noms des hameaux me font rire : Poux, les Parisiens, le Pont des Malades. Où sont les gens ? Je ne les vois pas, je ne les entends pas. Les volets sont fermés, les jardins vidés, tout semble inhabité, récemment abandonné.
Pourquoi sont-ils partis ? Mes jambes sont-elles les seules à pouvoir gravir les dénivelés ? Sûrement pas. La chaleur amène les gens à se renfermer, à s’isoler dans leur maison, à fuir les terres. Je vois sur ces routes un petit aperçu de l’exode climatique de demain. Je suis inquiet, cette journée est solitaire et non solidaire.
Durant les rares instants de fraîcheur, aux antipodes de la journée, je vais effectuer deux rencontres opposées.
A 8h, dans un café à Aubusson, j’entame à peine la première bouchée de mon croissant quand mon voisin de table engloutit déjà son 3ème verre de bière, le ventre gonflé, le nez rouge. La discussion est trop compliquée à appréhender, je tombe malheureusement dans le cliché, mon envie d’échanger s’échappe et je vois tout le côté glauque et miséreux de la campagne.
A 21h, à côté de l’accueil du camping de Peyrelevade, Yohan prend ma réservation pour la nuit. Le temps d’une bière, mon cerveau prend un grand bol d’air, d’enthousiasme et d’espoir grâce aux mille et un projets de l’employé municipal : gérer le camping, créer un foodtruck avec des produits locaux, organiser une course de cyclocross et promouvoir un tourisme creusois en respect avec la nature.
Avec son grand sourire du bonheur, sa queue de cheval et son t-shirt troué, il casse tous mes clichés et stéréotypes sur la vie dans les villages : en se donnant les moyens, en vivant ses passions, Yohan donne de l’action aux 799 habitants. Grâce à toutes ses initiatives, il voit plus grand pour le plateau de Millevaches et vient d’être nommé directeur à l’office de tourisme.
La nuit, grâce à lui, je découvre un ciel étoilé magnifique, je suis en pleine contemplation. Je pense à ses 2 petites actions qui m’ont permis de me connecter au ciel : éteindre les lumières du camping et me fournir des plaids.
Définitivement, nous avons besoin de plus de passionnés, de plus d’attentionnés, de plus de Yohan pour faire vibrer la campagne.
Pour aller plus loin : une série documentaire d’Euronews sur l’exode rurale en Europe à cause du changement climatique. Celui sur le berger espagnol Alvaro est très touchant.
Pour le plaisir : la chanson Petit Métier de Songhoy Blues.
La suite au prochaine épisode !
Crédit photos : Louis
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