Ce texte a été diffusé au format courriel, 1 courrier électronique par jour, lors d’un voyage de 11 jours à vélo en 2020.
Jour 3 : Sur la route des présidents
“Le seul moyen de les arracher de leur abrutissement était de leur donner la possibilité de gagner la ville. Edolfius ferait venir le goudron jusqu’ici pour elles. L’asphalte les sauverait.”
Mardi 15 Septembre
Je roule à toute vitesse tel une boule de billard, la descente me propulse, l’asphalte me fait glisser, presque voler sur le sol ! J’ai l’impression de rouler sur un circuit de Formule 1 en pleine montagne. Je suis épris de cette sensation de vitesse.
Le Tour a foulé ces routes, il y a quelques semaines. La voie est dégagée de toute fioriture pour laisser place aux sponsors de la région peints sur le sol. La route est à moi, je prends mes aises, je suis un homme-peloton avec mes sacoches, les cloches de mille vaches m’encouragent et toujours pas une voiture en vue !
J’atteins l’un de mes trous pommés du jour : Sarran. La ville est célèbre pour le musée Jacques Chirac. Il est anecdotique. En le visitant, je comprends qui a payé pour tout cela. Hier je rencontrais des « petites gens », aujourd’hui je roule sur la route des présidents.
Le soir, la plante de mes pieds est réchauffée par le sable fin, je plonge dans l’eau pour un bain, je me relaxe avec le coucher de soleil à l’horizon et un bar terrasse en vue. Le thermomètre affiche 30 degrés, je passe de la Corrèze aux Baléares.
J’apprendrai quelques jours plus tard, que le lac de Marcillac est artificiel, tout comme cette plage. Un complexe balnéaire au beau milieu des terres.
Le coucher de soleil de Marcillac
Jour 4 : Aimer son métier et en faire son mode de vie
“Le secret, croyais-je apprendre, consistait à ne pas se faire de soucis, à accepter les limitations, les conflits et les ambiguïtés de la vie avec joie et satisfaction, à se laisser dériver sans effort dans le courant de l’élan vital. La vie n’avait donc pas de sens ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Tes ambitions sont banales ? Poursuis les quand même. La vie te parait ennuyeuse ? Bâille.”
Mercredi 16 Septembre
Ce matin, je galère à plier ma tente, je la tords dans tous les sens, sur mes genoux je joue de toute la force de mon corps pour qu’elle rentre dans son étui déchiré. J’en ai un peu marre, je fais les cent pas.
En sortant de son camping-car, un homme aux cheveux blancs voit ma galère. Il m’invite à venir prendre le café avec lui. J’accepte, je suis ravi d’être convié à un instant de vie.
Chantal et Alain m’installent sur la petite table devant leur véhicule. Elle est déjà brûlée par la cafetière, ce qui entame la discussion. J’apprécie cette petite dispute avec un sourire joueur, un café réconfortant et des tartines bien craquantes. Je voyage depuis 4 jours et ces petites interactions manquent vite.
Depuis qu’ils ont acheté ce camping-car, ce couple a changé de vie pour vagabonder et chanter de villages en villages, de campings en parkings. Ils vivent pour donner du baume au cœur dans un lieu, l’espace d’un soir. Ils vivent avec peu, juste un camion dans lequel toute leur vie d’artistes tient dans un petit coffre. Depuis ses études Chantal rêve de cette vie, la rencontre avec elle a totalement changé la vie d’Alain. Un camion et une belle rencontre, voici l’une des recettes d’une vie épanouie. Cela me donne à réfléchir.
J’arrive le midi à Argentat, e midi à Argentat, je repère le Silo, un café-librairie-zéro-déchet-associatif. Le temps d’un café, je vais découvrir l’importance du repaire : un job est proposé à une personne “qui-connaît-quelqu’un-qui-connaît-quelqu’un”, du pain est troqué contre du café et les bons plans de tatouages sont échangés. J’apprécie ce petit oasis qui n’est pas un mirage et donne une vie à une petite société d’échange et de confiance. En ré-enfourchant mon vélo, je rêve d’ouvrir mon petit café.
Sous la pluie, juste avant la nuit, j’arrive chez Mathieu et Flavie. Je dormirai dans leur caravane au fond du jardin.
En dégustant une bière du coin, sur le haut de l’escalier et sous un nid d’abeille, Mathieu me raconte la difficulté principale de son quotidien d’agriculteur : trouver de l’eau et en avoir suffisamment. Dans toute la verdure de Dordogne, l’eau devient de l’or. C’est pourtant cet or qui nourrit ses vaches, fait pousser le blé qu’elles mangent, les plantes qui nous soignent et les légumes que nous mangeons. C’est un enjeu de schizophrène pour ce secteur, car une grande partie du manque d’eau est lié à l’usage des agriculteurs.
Après avoir étudié le climat et son impact sur l’agriculture en Amérique du Sud et en Afrique en voyage ou dans un bureau, Mathieu a repris la ferme de ses parents pour proposer une agriculture différente.
Le fonctionnement de la ferme est autonome, chaque associé a une spécialité qui aide l’autre, les plantes médicinales de Flavie soignent les vaches, le blé et le compost des animaux de Mathieu nourrissent les terres maraîchères de Thomas qui aident à la culture des plantes.
Cette production biologique est maîtrisée de bout en bout. C’est un cercle vertueux, elle réduit les coûts, propose des produits sains et chaque associé collabore en y trouvant sa place. Dans chacune de ses actions et décisions, Mathieu amène une belle réflexion pour être en accord avec ses convictions.
3 inconnus m’ont fait confiance aujourd’hui, 3 inconnus m’ont laissé entrer dans leur espace de vie, un lieu modeste et sobre. Et pourtant, ce soir, je m’endors avec 3 amis épanouis par leur choix de vie guidé par la passion, la confiance et l’envie d’aider.
La suite au prochain épisode !
Crédit photos : Louis
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