Fiche Pédagogique

Éducation et Apprentissages

par Vanessa

Éducation et Apprentissages

 

« Quels enfants laisserons-nous à notre planète ? » (Isabelle Peloux, professeure des écoles, formatrice à la relation entre enseignant·es et enseigné·es, accompagnatrice de groupe de parole de parents, et cofondatrice de l’École des Colibris)

Cette question est légitime dans le contexte actuel, car le monde a basculé. Les rapports de force ont changé. Nous sommes passé·es d’un monde de domination/pouvoir sur la vie, à un retour de bâton où le vivant nous oblige à revenir à notre place d’être faisant partie intégrante de la vie. Ces deux mondes s’opposent aujourd’hui, et le système éducatif et la manière d’élever nos enfants en sont parties prenantes. En effet, certain·es éducateur·ices, vivant encore dans l’ancien paradigme, continuent de domestiquer leurs enfants comme ils et elles domestiquent la nature. Et d’autres, au contraire, ayant pris conscience des enjeux d’aujourd’hui et de demain, remettent en question leur rapport au vivant et donc à leurs enfants.


Éducation : processus de transmission de valeurs, de connaissances et de compétences.

Apprentissage : mouvement naturel de tout individu à apprendre ; sauf si l’on brouille le jeu avec la compétition, la dévalorisation et tout autre procédé ne respectant pas son individualité.

 

L’éducation et l’apprentissage sont donc deux volets distincts, bien que concomitants.

Isabelle Filliozat – les besoins des enfants
Les Supers Parents – février 2016

Les besoins de l’enfant

Nos cerveaux sont des machines très performantes qui n’atteignent leur maturité qu’à 25 ans. Durant toute cette période, des connexions neuronales se font et se défont afin de former une trame sur laquelle s’appuiera l’adulte de demain.

Plus le cerveau est stimulé, plus il se (ré)génère. Ainsi le cerveau malléable du très jeune enfant établit ses connexions en fonction de ce qui se passe autour de lui. Les expériences comme le jeu, la lecture, les apprentissages et les interactions lui permettent de commencer à s’éveiller au monde et en saisir le fonctionnement. La qualité des connexions permet ensuite d’acquérir le langage, de résoudre des problèmes, pour ensuite impacter sa réussite scolaire mais aussi sa santé physique et psychologique à plus long terme.

Les enfants ont avant tout besoin d’un environnement leur permettant de vivre et jouer. Un lieu ou l’apprentissage et le développement sont stimulés. Tout cela soutenu par des relations constantes, positives et chaleureuses leur permettant de se sentir en sécurité. Tout comme la prise en compte de ses besoins et l’explication faite de l’environnement qui l’entoure. Si l’enfant ne se sent pas pris en considération ou se sent incompris, son amygdale cérébrale, qui est le centre de la peur, va sécréter du cortisol, hormone du stress, et de l’adrénaline qui induira un stress permanent.

Les travaux en neurosciences sociales, ont montré qu’exprimer son affection, câliner, embrasser l’enfant et le prendre dans ses bras, augmente la maturation du cerveau. En effet, les câlins et la tendresse permettent la sécrétion des hormones du bien-être et du bonheur, l’ocytocine, ce qui a un effet stimulant sur le cortex préfrontal. Cortex préfrontal qui est la zone de réflexion/raisonnement.

Or, avant l’âge de 5 ans, cette zone essentielle du cerveau n’est pas reliée au cerveau archaïque, zone qui gère les émotions. D’où l’incapacité des tout-petits de raisonner sur leurs émotions. C’est pour cela qu’il leur est nécessaire d’être entouré d’adultes bienveillant·es, qui ont conscience de ce fait, pour les laisser exprimer leurs émotions et mettre des mots dessus afin qu’ils puissent à court terme en parler, et à plus long terme raisonner dessus.

Aujourd’hui, de nombreux parents utilisent le langage des signes pour signer avec leurs bébés et ainsi permettre aux tout-petits d’exprimer leurs besoins avant même de parler. En plus de son incapacité physiologique à traiter des événements comme nous, la plasticité cérébrale de l’enfant fait de lui une éponge et chaque expérience laisse des traces.

Le développement psychologique de l’enfant

Voici les différentes phase du développement psychologique de l’enfant, en lien avec son développement neurologique :

  •  6ème semaine : premier sourire, première interaction
  •  8 mois : il existe individuellement
  •  9 mois : premiers cauchemars
  • 18 mois : début de la phase d’opposition qui dure jusqu’à 3/4 ans. Le non lui permet de se démarquer des autres. Il existe à part entière.
  • 2 ans : premières peurs.
  • 2 à 4 ans : phase d’individuation, c’est-à-dire la constitution de lui-même en tant qu’individu à part entière. Il cherche à rassembler les différentes parties de ce qui compose sa vie pour en faire une unité qu’il englobe. C’est la création de l’ego, le développement de la personnalité.
  • 4 ans : il devient un être sociable. Il vit une prétention de toute-puissance la journée qui est contrebalancée la nuit par des peurs et des cauchemars. C’est aussi la phase du dessin où il représente son environnement.

Source de l’image : www.apprendreaeduquer.fr

 Viennent ensuite d’autres phases d’évolution :

  • 6 à 12 ans : l’enfant marque une grande empathie et dans le même temps veut être de plus en plus autonome. Les parents et éducateur·ices doivent trouver les moyens d’être présents pour l’aider à gérer ses émotions en lui montrant qu’il peut avoir confiance. Encore une fois, la sécurité permet la sécrétion d’ocytocine stimulante pour le développement des connexions neuronales. Durant cette phase, le cadre est très important pour sécuriser l’enfant ; chose essentielle qui peut faire défaut chez les parents souhaitant respecter l’être qu’ils ont face à eux. Pourtant, seul le respect de l’autre permet un respect de soi, un respect de ses propres limites. C’est le principe de l’éducation positive/bienveillante, prônée par des professionnel·les tel·les qu’Isabelle Filozat et Catherine Guéguen.
  • Adolescence : toutes les limites vont être testées afin que le « grand enfant » se définisse par rapport à lui-même et ses pairs, et plus par rapport au groupe famille.  A cet âge, de nouvelles questions se posent à l’éducateur·ice qui veut comprendre et accompagner son ado. Etymologiquement, adolescent signifie « chemin vers ». A chaque parent/éducateur·ice de trouver des outils pour accompagner son ado sur son propre chemin. S’il est à l’équilibre, ce chemin lui permet d’en sortir avec une identité propre et affirmée, et dans le même temps être intégré à son environnement. Pour cela, lui laisser faire ses choix, peu importe s’ils sont en accord avec nos convictions, est indispensable tant qu’il ne se met pas en danger.

    Et si on changeait de regard sur l’enfant ? | Catherine Gueguen | TEDxChampsElyseesED
    TEDx Talks – novembre 2015

    La discipline positive

    Le livre Jeux vidéo, alcool et cannabis. Prévenir et accompagner son adolescent (Dr. Olivier Phan, Dr. Céline Bonnaire, Dr!; Alexandre Har, Nathalie Bastard et Zephyr Serehen) est une référence dans l’observation des déviances de l’adolescent. Jouer est bon et fait partie des nécessités de l’humain pour construire des relations sociales et avec son environnement, mais si l’enfant fuit sa réalité dans les jeux, le parent/éducateur·ice doit prendre les choses en main. De même pour la fête, qui est un des fondements de nos relations sociales, mais par laquelle l’adolescent·e peut aussi fuir une réalité qu’il·elle n’arrive pas à supporter. 

    Pour cela, la « discipline positive propose une démarche éducative qui allie fermeté et bienveillance. Ni punitive, ni permissive, elle offre aux parents des outils concrets pour poser avec leurs ados une autorité juste fondée sur l’encouragement, la coopération et le développement des compétences sociales et émotionnelles. »  (La discipline positive pour les adolescents – Accompagner et encourager nos ados avec fermeté et bienveillance, de Jane Nelsen et Lynn Lott). 

    Chaque enfant est unique ; c’est donc à l’éducateur·ice d’observer, d’écouter avec bienveillance et affection l’enfant pour adapter sa manière de faire à sa spécificité. 

    Une chose est sûre, chaque enfant devrait avoir accès à une alimentation saine et équilibrée car l’intestin est notre « deuxième cerveau » et influence nos émotions. Une pratique sportive est également nécessaire afin de réduire l’anxiété, l’agressivité et la dépression grâce à la sécrétion de sérotonine et de dopamine. 

     

    Les pédagogies alternatives

    La capacité à apprendre est intrinsèquement liée à l’éducation. C’est pourquoi d’autres pédagogies ont vu le jour durant les deux derniers siècles. Elles permettent de regarder l’enfant différemment, pour qu’il puisse se regarder et regarder le monde différemment. On parlera de pédagogies dites alternatives, où le bien-être et l’épanouissement sont au cœur des apprentissages. Ces différentes pédagogies ont un socle commun : l’enfant est moteur de son éducation et ses apprentissages grâce à ses compétences innées. Il construit lui-même ses savoirs (expériences plus recherches) ce qui le rend actif dans son parcours scolaire. 

    Méthode Montessori

    Une des plus connues aujourd’hui, où l’enfant est laissé libre dans un cadre défini par avance avec l’adulte accompagnant. 

    « La fonction du milieu n’est pas de former l’enfant mais de lui permettre de se révéler » (Maria Montessori, début des années 1900). Cette pédagogue a créé cette méthode pour des enfants qui n’avaient pas de cadre, et a donc construit un cadre sécurisant et bienveillant afin de permettre aux enfants d’acquérir une estime d’eux-mêmes. 

    Méthode Freinet

    Célestin et Élise Freinet étaient des pédagogues du milieu du 20e siècle qui, par leurs observations, ont décidé de devenir des facilitateurs·ices de développement pour les enfants. L’enfant est acteur de ses apprentissages, par observation avant d’agir puis essai-erreur, afin de recommencer en tenant compte de ce qu’il a appris avant. Dans cette méthode, peu de contraintes et pas de punition ou évaluation négative du travail de l’enfant. Mais cette manière de faire est complexe à mettre en place en milieu scolaire, car pas de fonctionnement linéaire appuyé sur un programme mais un fonctionnement en mission d’engagement par contrat. 

    Méthode Steiner-Wardolf 

    Durant la deuxième moitié du XIX siècle, Rudolf Steiner crée sa première école pour les enfants des ouvriers de l’usine à cigarette Wardolf. Pour lui, l’environnement naturel, les activités créatives et les langues doivent être au cœur des apprentissages. Son objectif était de permettre à l’enfant de se découvrir dans son individualité et savoir ce qu’il aime réellement ; il a donc mis en place le plus d’activités possible pour la découverte : couture, menuiserie, jardinage, etc. Cette pédagogie est rythmée par les saisons, car une place importante est mise sur les jeux libres et les activités physiques en extérieur. Dans son approche, Steiner va définir 3 phases : 0/7 ans, 7/14 ans et 15/18 ans ; et mettre en place pour chaque phase un cadre rassurant pour inciter à la curiosité et l’ouverture au monde. 

    Méthode Decroly

    Pour ce pédagogue des années 1900, l’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage mais un lieu de développement de l’enfant comme individu et être social. Dans cette pédagogie, qui inspire la pédagogie finlandaise, les enfants apprennent à comprendre, à observer, à travailler en groupe et à percevoir le monde comme un tout. Elle développe l’autonomie en respectant les besoins, forces et faiblesses de chacun. 

    Méthode Reggia

    Elle a été créée par Loris Mallaguzzi dans les années 1960. L’expression au sens large est valorisée ; qu’elle soit émotionnelle, langagière, artistique ou corporelle. La nature est au cœur des apprentissages ainsi que la ville et l’art. Nombre de ces méthodes pédagogiques mettent le lien à la nature au cœur des apprentissages. Jusqu’à l’émergence aujourd’hui des forests school en France, alors qu’elles existent depuis le début du 20e siècle en Angleterre, en Allemagne et en Scandinavie. Dans ces écoles, les enfants explorent la nature avec tous les sens en éveil. L’environnement joue sur la motivation d’enfants. 

    Apprentissage dehors

    Le « Guide officiel pour l’apprentissage dehors », publié par le ministère de l’éducation écossais, met en avant les atouts d’un apprentissage dehors. Il montre son impact positif sur la santé et le bien-être, sur le développement de la motricité, sur la concentration, sur l’acquisition de la lecture et les compétences élémentaires de mathématiques, sur la capacité à comprendre et résoudre des problèmes complexes etc. Apprendre dehors permet aux enfants de développer un lien profond avec la nature et les sensibilise à l’environnement. 

    Voir aussi : L’enfant dans la nature pour une révolution verte de l’éducation, de Matthieu Chéreau Moïna Fauchier-Delavigne 

    Pédagogie Charlotte Masson

    Une autre pédagogie où la nature est au cœur des apprentissages :  « la pédagogie Charlotte Masson est, aux antipodes de tout programme prédéfini, une méthode qui s’adapte à chaque enfant, qui prend en compte ce qu’il est, pour l’encourager à devenir le meilleur de lui-même. Elle est une approche respectueuse et facile à mettre en œuvre au cœur des livres et de la nature. » (La pédagogie Charlotte Masson 1 : « l’éducation est une atmosphère, une discipline, une vie. », de Laura Laffon )

    Malheureusement, le système scolaire classique ne permet pas d’expérimenter ces pédagogies alternatives. Et de nombreux parents n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants dans ce genre d’école…. S’ils ont la chance d’en avoir une à proximité. Certains·es n’auront d’autre choix que mettre leurs enfants dans le système scolaire classique et un livre comme Comment élever un enfant sauvage en ville de Scott D.Sampson peut donner des clés pour faire rentrer la nature dans leur quotidien. D’autres désireront faire de l’Instruction En Famille. Même si avec l’attaque aux droits fondamentaux en cours, par les gouvernements Macron, cela devient un parcours du combattant, qui une fois de plus favorise les familles les plus éduquées et à l’aise financièrement à travers la demande d’un projet pédagogique complexe à mettre en œuvre. 

    Là aussi, en IEF, il existe plusieurs manières de faire : 

    •  Certains·es préféreront suivre le programme scolaire à travers un organisme comme le CNED, où les devoirs et apprentissage sont programmés et assurent une scolarité classique à distance. 
    •  D’autres parents choisissent (choisissaient…) de créer leur propre programme de manière à l’adapter à leur mode de vie personnel et familial. Un travail formel est effectué par les enfants mais les parents peuvent s’inspirer pour ça des pédagogies et méthodes qui font sens pour eux et leurs enfants. Un peu comme dans le film Captain fantastique. 
    •  Certains·es se tournent (se tournaient…) vers les apprentissages autonomes, unschooling en anglais, dont le film Être et devenir de Clara Bellar donne une approche intéressante. Cette manière de faire se base sur l’enthousiasme de l’enfant, il apprend ce qu’il veut, quand il veut et comme il veut ; le parent devient simplement le facilitateur de ces apprentissages. Dans cette perspective d’apprentissage, pas besoin de remplir le temps de l’enfant avec toutes sortes d’activités, l’ennui à sa place aussi afin que l’enfant développe son imaginaire et se lance dans ses propres explorations. Les écoles démocratiques, même si énormément contraintes par l’éducation nationale, se basent sur cette manière de laisser l’enfant déterminer lui-même le contenu de sa journée. Un respect total de l’individualité qui donne d’excellents résultats au point que certaines grandes écoles américaines réservent des places à ces jeunes unschoolers

    Conclusion

    Nous avons fait un petit tour des différentes méthodes d’apprentissage et avons vu les phases de développement de l’enfant afin de le respecter dans son rythme et ses besoins. Étant donné la conjoncture actuelle, écologique, économique et sociétale, il est important de donner le plus d’assise à nos enfants pour affronter le monde qui sera le leur demain. 

    Dans le livre Éduquer en anthropocène aux éditions Le bord de l’eau en anthropocène, Daniel Curnier écrit « qu’il existe trois mouvements nécessaires au changement de paradigme afin de garantir les conditions d’habitabilité terrestre nécessaires à la poursuite de l’aventure humaine[…] Ces trois mouvements ont en commun la sortie du dualisme nature-culture, une transformation du regard portée sur le milieu et une redéfinition de la place de l’être humain au sein du vivant. Parmi les éléments clés de ce repositionnement commun figure le dépassement de la relation sujet-objet, au profit d’un système de relations interdépendante entre l’intériorité, le corps, l’altérité humaine et non humaine ainsi qu’avec le cosmos. Ces principes peuvent être mobilisés pour refonder une institution scolaire dont la finalité générale serait de contribuer à un changement transformatif de l’organisation sociale dans le cadre des limites planétaires. Elle devrait donc à la fois s’inscrire dans le nouveau paradigme et contribuer à sa définition et à sa concrétisation. » 

    N’attendons pas un changement politique pour commencer à élever les enfants que nous voulons laisser à ce monde car ce n’est pas dans l’intérêt du système en place d’avoir des citoyens qui se connaissent suffisamment pour refuser de jouer à son jeu. Prenons les choses en main… 

    Les livres incontournables

     

    Elever son enfant autrement
    Catherine Dumonteil-Kremer
    La Plage – 2020

    Les apprentissages autonomes
    John Holt
    L’Instant Présent – 1988

    L’éducation vraiment positive
    Béatrice KAMMERER
    Larousse – 2019

    Jouons ensemble autrement
    Catherine Dumont Kremer
    La Plage – 2021

    Pour aller plus loin…

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