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– Le vent : Assez ! Assez ! Contre vents et marées ! Tu parles ! L’expression est devenue ridicule, insupportable ! Cela suffit! Tant que mon nom était associé à un élan poétique, qu’il pouvait servir à sublimer l’ailleurs, l’inconnu, le autrement. Évoquer la curiosité, le courage… Je pouvais le concéder. Mais c’est devenu une usurpation, une mascarade. Je ne suis plus un obstacle à rien ! Encore moins aux cupidités, aux exploitations en tout genre ! Nous ne sommes plus bons qu’à symboliser le pouvoir, l’ordre. L’humanité nous a vaincu de tout son progrès. Et depuis longtemps ! Qu’en penses-tu toi ?

– La marée : J’en pense… J’en pense que même si tu es parfois dominant, tu prends toujours les choses de travers ! Et puis, dans cette histoire, certes, nous avons des intérêts en commun mais je n’ai pas décidé de notre association. D’ailleurs, je te le rappelle, tu n’as aucun effet sur moi et le contraire n’est pas vrai !

– Le vent : Oui, et bien, ce n’est pas le moment de nous inventer des divisions. La terre est un corps, un tout. Nous en faisons partie. Nous avons été la force qui obligeait au dialogue. Nous sommes en déperdition. Aujourd’hui, j’ai beau pester, glacer, décoiffer, ou bien même tempêter, l’humanité ne m’entends plus.

– La marée : Et alors ! Laissons l’homme à son humanité qui n’en a plus que le nom ! Nous vaincrons ! Nous rétablirons le sens de la marche et le bipède devra nous respecter de nouveau.

– Le vent : Là n’est pas la question. Tant qu’il s’agissait de lutter contre nous pour toucher ses rêves du bout des doigts, rejoindre un amour en exil, je voulais bien décerner la médaille aux combattants. Mais désormais tout est à portée de main et de portefeuille. Soyons réalistes, l’homme se moque bien de savoir si tu es montante ou descendante. Ma brise ne fait plus l’affaire comparée aux climatiseurs et il lui suffit de remonter son col pour s’épargner ma bise. Les temps ont changé.

– La marée : Dégonflé ! Tu savais si bien secouer les cocotiers. Tu peux encore choisir de quel côté souffler ?!
Moi, je n’abandonne pas. Inlassable, je préfère remplir le cœur des poètes et des chanteurs plutôt que celui des usines marémotrices.

– Le vent : Justement. Faisons lui, réviser ses expressions ! Elles perdent de leur saveur quand elles sont mises à toutes les sauces. Ce n’est plus contre nous, qu’il faut lutter pour montrer sa différence, son courage. Comme si la nature pouvait être d’un danger quelconque…

– La marée : C’est son problème. Le mien est, que j’ai découvert, depuis pas mal d’années maintenant, ma capacité à me colorer malgré moi. Noire, verte, rouge… J’attends le prochain colorant. De plus, je n’avais imaginé pouvoir servir de cimetières à autant d’espèces animales d’un seul coup, ni perdre ma fluidité. Rester comme ça, un beau matin, accrochée à la plage. Je ne peux pas accepter cela. Et
toi, ça ne te dérange pas de transporter ces nouveaux petits nuages, légèrement pollués ou carrément radioactifs ?

– Le vent : Heu…

– La marée : Ce n’est pas grave. Tu fais tourner les pales de ces belles éoliennes qui subliment les paysages et déchiquettent quelques oiseaux au passage ! N’est-ce pas ?

– Le vent : D’accord, d’accord, mais que peut on y faire ?

– La marée : Œil pour œil , dent pour dent ! Comment peux-tu supporter voir des êtres du vivant, qui se nourrissaient de nous, attendaient que l’heure soit venue qu’on les aide à migrer pour se reproduire, trouver des climats qui leur permettent de couler des jours heureux, comment peux tu supporter de les voir lutter contre nous pour survivre ? C’est l’idée que tu te fais de toi ?

– Le vent : Non. Pourtant ce n’est pas en balayant tout devant moi ou en déferlant sur les villages, que nous améliorerons quoi que ce soit. D’ailleurs, nous avons déjà, maintes et maintes fois, montrer signes de nos irritations et nos dérèglements. L’homme ne s’en soucie guère. Non, il faut dialoguer.

– La marée : Ah, car tu maîtrises leurs langages ? Tu polémiques sur les réseaux sociaux ?

– Le vent : Non, mais tu l’as dit toi même, nous avons su inspirer leurs poètes, leurs chanteurs. J’ajoute leurs peintres, qui savaient nous magnifier, insuffler un élan à la beauté, à nos horizons, nos lendemains. C’est à eux que l’on doit redonner de la puissance, de la clameur.

– La marée : Bien sur. Tu n’as plus qu’à poster un message sur YouTube ou Facebook. L’éventail est large. Tu as l’embarras du choix.

– Le vent : Tiens justement. Cette mainmise, cette gouvernance… Il faut s’en emparer ! Rendons la parole à ceux qui ont quelque chose à dire. « Ils luttèrent contre les Gafa et la Sillicon Valley », ce serait quand même plus d’actualité en termes de mission impossible ! L’exploit serait plus retentissant et plus héroïque.

– La marée : Très bien montrons l’exemple. Puisque nous ne sommes plus intouchables, passons à la postérité.
Luttons ! Je ne réclame rien d’autre. Tu as le mode d’emploi ? Un gilet jaune ?

– Le vent : Coupons leur internet sous le sifflet ! Tu as peut être quelques câbles sous marins à endommager. Quant à moi, je tourbillonnerai bien autour de leurs foutues antennes, histoire d’en déraciner quelques unes et de faire pendouiller les fils qui vont avec. Qu’ils soient obligés de se rencontrer de nouveau, d’échanger de vives voix, ils s’apercevront qu’ils ont perdu le fil de l’eau, que la
catastrophe les guette, qu’elle est présente. Dans l’air du temps. Ils verront aussi que certains progrès ne les ont pas fait beaucoup avancer et que c’est peut être bien, adossés aux vents et marées, chérissant la nature, la protégeant, qu’il faut combattre pour s’assurer des jours meilleurs.

– La marée : Ah! C’est alléchant. On pourrait également orchestrer une petite crise climatique, même s’ils se débrouillent déjà pas mal sans nous, un brouillage d’onde général. Tu nous ramènes une belle dépression et moi, je reste haute afin qu’elle reste plantée là. Plus de connexions. Les parents obligés de s’occuper de leurs enfants. Impossible de les coller devant un écran. Et les enfants de réclamer
de l’amour à la place. Une chanson, une lecture. Du live !

– Le vent : Je les entends d’ici pleurnicher, se plaindre de la météo, qu’il n’y a pas de saisons et que l’on ne peut même plus faire ses courses en ligne.

– La marée : Comme un dernier signal, on épargnerait les peuples indigènes qui n’ont jamais cessés de nous faire des offrandes. La curiosité serait grande. La science y verrait un grand mystère et finirait par évoquer La question. Si le vent continue de chasser les nuages, à souffler dans le bon sens, si les marées continuent d’être régulières, imperturbable,s d’apporter leur lot de poissons, est-ce parce que ces peuples les érigent toujours comme des dieux et que, jamais, ils ne sont entrés en guerre contre eux ?

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Crédit Photo Pixabay

 

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