Fiche Pédagogique – L’Anthropocène

par Jeanne Sorin

L’Anthropocène

 

Les scientifiques le disent, la Terre se trouve désormais dans une nouvelle ère : l’Anthropocène. Il s’agit d’une révolution géologique d’origine humaine. Cette période succède à l’Holocène, une ère interglaciaire (qui a duré plus de 10.000 ans), dont les températures ont encouragé l’essor des sociétés humaines. L’Anthropocène a été théorisé pour la première fois par le Néerlandais Paul Josef Crutzen, qui a reçu un prix Nobel de Chimie en 1995. Il a repris ce terme, utilisé dès les années 1980 par le biologiste américain Eugene F. Stoermer.

Depuis la révolution thermo-industrielle, notre planète a changé d’état. Pour Jean-Baptiste Fressoz, historien français au CNRS et enseignant, le concept d’Anthropocène désigne un point de non-retour. Il ne s’agit pas d’une crise environnementale qui sous-entendrait la fin de cette crise, mais « Il s’agit d’une révolution écologique d’origine humaine»

L’ère Anthropocène a commencé au début de la course au développement, au moment de la révolution industrielle, vers la fin du XVIIIe siècle en Angleterre. Cette course au progrès et à la croissance a causé l’effondrement du vivant, le réchauffement climatique (dû à l’excès de gaz à effet de serre dans l’atmosphère), la déforestation, la surpêche, des inondations, l’épuisement des ressources, la pollution (des eaux, de l’air, des sols), la présence de déchets radioactifs.

L’exploitation des énergies fossiles a été le point de départ de l’industrialisation, entraînant par la suite, une production de masse. La Première Guerre mondiale a largement accéléré le processus de production de masse et la Seconde Guerre mondiale a eu pour conséquence une nouvelle organisation du travail. Les « Trente Glorieuses » qui suivent cette guerre se caractérisent par une forte croissance économique et l’essor de la consommation de masse. Le capitalisme et la mondialisation, fruits des décisions prises par les grandes puissances (États et entreprises), font basculer le monde dans l’Anthropocène.

Les empreintes de notre âge urbain, consumériste, chimique et nucléaire, subsisteront des milliers ou des millions d’années dans les archives géologiques de la planète. Elles ont déjà et auront pour conséquence d’impacter profondément les humains… et les non humains.

« Un exemple d’empreinte de l’humain est le plastique, omniprésent sur Terre et dont la lente dégradation en particules de microplastique contamine les écosystèmes, mais aussi le cas plus particulier du « plastiglomérat », une roche non naturelle observée dans le sud de l’île d’Hawaï. Formée de l’agrégation de déchets plastiques fondus par la lave basaltique et mélangés avec des sédiments marins, cette roche résulte donc des activités humaines, modifiant durablement l’écosystème marin. Une empreinte indélébile, puisqu’elle devrait demeurer présente sur Terre bien au-delà de notre extinction. »

Selon l’article de Géo, Géologie : qu’est-ce que l’Anthropocène ?

Plan de la Fiche

  • Introduction
  • Comprendre l’impact du CO2 sur la planète
  • Le rôle des grandes entreprises dans l’Anthropocène
  • Le rôle du pétrole dans l’Anthropocène
  • L’importance de la guerre et des technologies militaires dans l’Anthropocène
  • Des initiatives écologiques ont eu lieu dans le passé 
  • Les livres incontournables
  • Les vidéos à voir absolument

Comprendre l’impact du CO2 sur la planète

Durant la conférence L’Anthropocène : une révolution géologique d’origine humaine à l’université de Strasbourg,  Jean-Baptiste Fressoz disait que « Le CO2 est l’un des aspects majeurs de cette affaire d’Anthropocène ». Le documentaire d’Arte, L’homme a mangé la Terre, affirme que quelques 1 400 milliards de tonnes de CO2 sont aujourd’hui prisonnières de la basse atmosphère.

Durant sa conférence, Fressoz précise que jusque dans les années 1980, l’Angleterre et les États-Unis sont les principaux responsables de la crise climatique et des émissions de CO2. « Si l’on prend les émissions cumulées de CO2, il faut attendre la fin des années 1970 pour que les émissions cumulées de tous les autres pays dépassent les émissions cumulées de l’Angleterre et des États-Unis depuis la révolution industrielle.  Donc c’est assez tard qu’on peut parler d’un Anthropocène, ça serait assez logique de parler d’un Anglocène jusqu’à assez tard dans le XXe siècle ».

Le rôle des grandes entreprises

Les grandes entreprises minières et pétrolières ont eu, et ont toujours, un rôle majeur dans l’Anthropocène. « Et on peut arriver au résultat que, quasiment les deux tiers des émissions de CO2 ont été émises seulement par 90 entreprises (exemple : Total) » affirme Jean-Baptiste Fressoz. Il explique que ces entreprises n’ont pas nécessairement directement émis ce CO2, mais qu’elles qui ont été les tuyaux ayant permis d’extraire le carbone du sol.

Durant les Trente Glorieuses, les pays industrialisés et capitalistes occidentaux (Europe, États-Unis et Japon), ont eu la capacité de drainer les carburants fossiles, la biomasse, de l’ensemble de la planète, pour alimenter la croissance économique.

Le rôle du pétrole

La pétrolisation massive des économies occidentales a eu lieu entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle.

À la fin du XIXe siècle, il y a beaucoup de grèves de mineurs, alors que le charbon est la principale source d’énergie. Même si le pétrole, à énergie constante est beaucoup plus chère que le charbon, il devient une alternative aux problèmes sociaux présents, qui auraient eu la capacité de freiner considérablement l’économie. « Le pétrole a servi à contourner cette mainmise des syndicats sur l’énergie. Le meilleur indice de cela, c’est sans doute le plan Marshall qui a massivement servi dans l’Europe de l’Ouest, entre 1947-1949, à assurer un autre approvisionnement énergétique en pétrole, qui est beaucoup plus fluide, et qui dépend beaucoup moins de la main d’œuvre » précise Fressoz lors de sa conférence. Au XXe siècle, le pétrole commence donc à transformer significativement le système énergétique en Occident. C’est une addition d’énergie car l’extraction de charbon continue de croître à cette époque.

Le plan Marshall a aidé à marginaliser la CGT en France (liée à l’URSS). Pour les États-Unis, il était important de favoriser ce basculement, grâce au pétrole, pour permettre de lier le bloc de l’Ouest au bloc américain.

Ce qui a également favorisé l’émergence du pétrole, c’est que son extraction demandait moins de main d’œuvre que l’extraction du charbon. Aussi, dans les pays où le pétrole était extrait (hors Europe de l’Ouest), l’idée même de créer des syndicats et de se rebeller n’était pas possible.

L’importance de la guerre et des technologies militaires

Les technologies issues du domaine militaire ont grandement participé à l’essor de l’Anthropocène. Les technologies de surveillance, les technologies aérospatiales et autres, ont d’abord été créé pour des besoins de guerre avant de se généraliser sur le marché. C’est aussi le cas des pesticides et autres produits chimiques qui au départ ont été conçu pour tuer des humains, les ennemis, avant d’exterminer la vie dans les sols et en dehors. Par ailleurs, la construction des grandes autoroutes en Allemagne a eu lieu pour faciliter les trajets des militaires. C’est ensuite que les Américains se sont inspirés du modèle autoroutier nazi et ont fait supprimer les tramways des villes, au profit des voitures individuelles. Toutes ces innovations ont largement participé à détruire le vivant et à mettre les humains sous surveillance.

L’anthropocène : une révolution géologique d’origine humaine
Jean-Baptiste Fressoz, Université de Strasbourg, 2019

Des initiatives écologiques ont eu lieu par le passé

Il est important de noter que des initiatives intéressantes (et déjà mises en place), auraient pu freiner l’Anthropocène, si des promoteurs n’avaient pas propulsé, par tous les moyens, des projets anti-écologistes pour leur propre profit.

Voici deux exemples de projets mis en place qui auraient pu freiner l’Anthropocène :

1. Dans les années 1930 aux États-Unis, la maison solaire aurait pu s’imposer comme une norme. À cette époque, dans les États ensoleillés des États-Unis, 80% des maisons sont équipées de chauffe-eau solaire. Cela est peu coûteux et fonctionne très bien. Malheureusement, après la Seconde Guerre mondiale, il y a une grande crise avec une forte demande de logement. Pour résoudre cette crise, un promoteur propose, vers la fin des années 1940, de standardiser et rationaliser la production des logements. Ces maisons sont construites à coût moindre, mais elles sont très mal isolées. La solution qui prévaut à ce moment-là pour chauffer les populations, c’est le chauffage électrique. Cela profite aux entreprises qui fabriquent et promeuvent les produits pour une maison « tout électrique », mais c’est un désastre écologique. 

2. À ses débuts, l’automobile est très critiquée par les populations, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Les habitant·es trouvent que c’est une nuisance sonore et que c’est très dangereux. Aux États-Unis, depuis les années 1900, la majorité des villes sont équipées de tramway, ce qui est beaucoup plus écologique et moins dangereux que les voitures individuelles. Mais dans les années 1910-1920, les gens utilisent de plus en plus les voitures, ils roulent vite et beaucoup d’enfants meurent écrasés. La population est en colère et manifeste contre l’intégration des voitures – les « écraseuses » – en ville. Néanmoins, en 1935, une loi est votée « pour obliger les grands conglomérats électriques à vendre les compagnies de tramway ». Comme nous l’explique Jean-Baptiste Fressoz, s’il n’y avait pas eu de promoteurs pour investir dans les voitures individuelles, construire massivement des nouvelles routes et mettre au rebut tous les tramways, les villes américaines auraient pu être bien plus écologiques qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Pour terminer, il est important de préciser que nous ne vivons pas des jours meilleurs et qu’il n’y a pas de « transition écologique ». Jean-Baptiste Fressoz affirme « L’extraction de matière, s’accélère : entre 2002 et 2015 l’accélération est plus forte qu’entre 1970 et 2000. On est en train de vivre une sorte de nouvelle grande accélération ». Il précise « On a extrait environ 1000 gigatonnes, de la Terre entre 1900 et 2015, et 40% c’était entre 2000 et 2015. Donc on est vraiment dans une grande accélération de l’extraction de matière ».

Il est important de comprendre que l’Anthropocène repose principalement sur la responsabilité de quelques individus et non sur la population globale. Dans l’article Qu’est-ce que l’Anthropocène, Francois Gemenne et Marine Denis précisent que « Le concept donne en effet l’illusion que tous les hommes, unis dans une œuvre commune de destruction, sont également responsables des transformations infligées à la planète. En réalité, ces transformations sont l’œuvre d’une minorité. Pour ne prendre que le changement climatique, l’une des principales caractéristiques de l’Anthropocène, il convient de garder à l’esprit que 70 % des émissions de gaz à effet de serre, environ, sont produites par un milliard d’individus seulement ».

Les livres incontournables

La fin de la mégamachine
Fabien Scheidler
Seuil – 2020

L’événement Anthropocène
JB. Fressoz, C. Bonneuil
Points – 2016

Sortons de l’âge des…
Maxime Combes
Seuil – 2015

Comment tout peut…
P. Servigne, R. Stevens
Seuil – 2015

Sources

Pour aller plus loin…

Effondrement(s)

Résilience

Énergie

Low Tech

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