Le dérèglement climatique est aujourd’hui reconnu comme LE principal défi du XXIème siècle par l’écologie politique mainstream, incarnée en France par EELV et son candidat à la Présidentielle Yannick Jadot, les organisations du mouvement Climat – Alternatiba, ANV-COP21, Youth for climate, Greenpeace… -, les personnalités les plus médiatiques – Cyril Dion, Jean Jouzel, Valérie Masson-Delmotte, Jean-Marc Jancovici… – ou encore les projets techno-énergétiques sous les projecteurs depuis quelques temps – NegaWatt, The Shift Project, Time for the Planet…
Pourtant, cette question la crise écologique se réduit-elle au seul climat ? me taraude, me tourmente, m’obsède depuis désormais 5 ans lors de mon éveil écologique et systémique. La focalisation sur le réchauffement climatique ne serait-elle pas une mauvaise voie, une impasse, voire une erreur cruciale ?
Climat, climat, climat…
Le champ lexical et mental de la crise écologique n’est-il pas complètement phagocyté par l’unique et seule préoccupation du climat ? Pourquoi donc encore parler de crise écologique alors qu’il suffirait d’évoquer une crise climatique ?
Urgence climatique, inaction climatique, justice climatique, plan climat, loi climat, Convention Citoyenne pour le Climat, Fresque du climat, grève pour le climat, marche pour le climat, mouvement pour le climat, Réseau Action climat, Jeunesse pour le climat, Résistance climatique, Camps climat, « Changeons le système pas le climat », « On est plus chaud que le climat »… jusqu’à l’expression « transition climatique » présente dans le programme de Yannick Jadot pour la Présidentielle 2022, la récente pétition pour un Passe climatique à l’Élysée lancée il y a quelques jours par le WWF ou encore le tout nouveau clip de Greenpeace Présidentielle 2042 : En 2022, « on aurait pu éviter le pire » dédié à l’urgence climatique... tout cela n’illustre-t-il pas un nouveau mode de conjugaison assez réducteur de la pensée écologique ?
Est-il bien légitime que le mot « climat » – ou sa déclinaison « climatique » – apparaisse directement sur la home page « J’ai besoin de vous pour le climat et la justice sociale », ainsi que dans les slogans de 12 des 22 propositions clés de Yannick Jadot lorsque le mot Vivant n’a cet honneur qu’à une seule reprise, le terme biodiversité étant logé à la même enseigne ?
Comment les militant·e·s les plus engagé·e·s du mouvement CLIMAT peuvent-ils·elles prétendre que l’anéantissement du Vivant occupe une place égale à celle du climat au cœur de leurs préoccupations ?
Alors même que le climat est qualifié de « bataille centrale » dans le livret d’accueil des organisations Alternatiba et ANV-COP21, fer de lance du mouvement climat et que ces deux mêmes associations, organisatrices des Camps climat chaque été, sont directement à l’origine des célèbres slogans « Changeons le système pas le climat » et « On est plus chaud que le climat ».
Et alors que Greenpeace affiche également clairement que sa priorité est de lutter contre les changements climatiques…
Cependant, comment cette ONG peut-elle laisser penser qu’il faille sauver le climat et qu’il soit encore possible de limiter le réchauffement à 1,5°C ?
Alors que la plupart des climatologues dont Jean Jouzel lui-même reconnaissent que si l’Accord de Paris avait été respecté, l’augmentation de la température globale mondiale en 2100 serait au minimum de + 3° C, bien loin des 1,5°C, ce seuil auquel de nombreux·ses écologistes continuent de se raccrocher coûte que coûte…
Comment le WWF, dont la raison d’être consiste à « offrir aux générations futures une planète vivante » et qui publie le célèbre Rapport Planète vivante, peut-il lancer une pétition pour un Passe climatique pour sortir de l’impasse écologique ?
10 Questions clés pour les membres de l’écologie politique climato-centrée !
Question n°1
Cette focalisation sur le climat n’est-elle pas dangereuse, pour nous humains autant que pour les autres habitants non-humains de la Terre ?
Question n°2
Concentrer tous nos efforts pour réduire nos émissions de Gaz à effet de serre et ainsi décarboner notre économie ou notre industrie est-ce réellement suffisant pour préserver les conditions d’habitabilité de notre planète, pour nous… et pour l’ensemble du Vivant ?
Question n°3
Essayer de remplacer les énergies fossiles par des énergies « propres » et notre croissance délétère par une croissance « verte » n’est-ce pas un moyen détourné de ne pas remettre en question la nature extractiviste-productiviste-consumériste et déchetiste de notre civilisation ? Une astuce pour ne pas trop toucher à notre petit confort ?
Question n°4
Imaginer une telle croissance associée à une réduction de notre empreinte écologique, c’est à dire notamment une diminution de notre consommation énergétique – ce qui ne s’est jamais produit -, n’est-ce pas faire preuve d’une cruelle dissonance cognitive ?
Question n°5
Croire dur comme fer que les énergies renouvelables sont propres, qu’elles puissent représenter une véritable solution et qu’il est possible de les déployer pour parvenir à 100% d’énergies renouvelables en 2050, n’est-ce pas oublier un peu vite que ce déploiement est pétrolo-dépendant ?
Question n°6
Ne pas s’engager dans une décroissance assumée (Delphine Batho est une singulière exception) alors même qu’une grande descente énergétique et matérielle se profile à très brève échéance, n’est-ce pas manquer de la plus élémentaire lucidité ?
Question n°7
Convient-il réellement de sauver le climat ? Est-il vraiment menacé de disparition ? La question n’est-elle pas de comprendre dans quelles limites « climatiques » le vivant que nous connaissons peut se maintenir ?
Question n°8
Conserver notre prisme anthropocentré pour relever les immenses défis à relever peut-il nous permettre d’assurer la survie de notre espèce en continuant d’ignorer toutes les autres ?
Question n°9
Se projeter dans l’avenir en visant une réduction sensible des GES d’ici 2030 et une « neutralité » carbone en 2050, sans jamais évoquer l’effondrement en cours de notre civilisation, les risques systémiques associés et donc leur anticipation vitale, est-ce bien sérieux, responsable, visionnaire ?
Question n°10
La concentration des discours et des messages sur le climat est-elle réellement – comme semblent le prétendre certain·e·s – une première étape audible et acceptable par la population dans un plan stratégique visant à accéder au pouvoir ? Est-ce la bonne voie pour enfin relever les deux vrais défis, le principal car global – l’anéantissement du Vivant – et le secondaire car uniquement humain – l’effondrement de notre civilisation ? Ou bien cette focalisation n’est-elle – plus simplement – que la confirmation de la mauvaise appréhension des risques et défis ?
Et si le VRAI défi était de sauver la Vie !
La quasi totalité de nos activités actuelles s’inscrit dans la dimension suicidaire et écocidaire de notre société industrielle mondialisée. Extractiviste-productiviste-consumériste-déchetiste, notre civilisation est quadruplement mortifère. En tout premier lieu, elle extermine le Vivant :
- Destruction des habitats (exploitation minière, déforestation, agriculture chimique et élevage intensif, urbanisation/métropolisation, infrastructures de transports)
- Surexploitation meurtrière (chasse, pêche, braconnage)
- Déplacement d’espèces et de maladies ayant des impacts toxiques sur les équilibres dans les écosystèmes où elles arrivent
- Pollutions (intrants chimiques de l’agriculture, produits chimiques et déchets
Notre emprise sur la Terre, cette surexploitation de l’ensemble des ses ressources comme si elles nous appartenaient avec au passage la création de toujours plus de pollutions et de déchets, tue délibérément toutes les formes de vie sauvage. Ainsi, l’édition 2020 du Rapport Planète Vivante du WWF a mis en lumière une réalité absolument gravissime : Les populations de vertébrés sauvages (mammifères terrestres et marins, oiseaux, poissons, reptiles et batraciens) ont décliné – en moyenne – de 68% en 46 ans (1970-2016) ! Cela signifie donc que plus de deux tiers des individus de ces espèces ont disparu en moins de 50 ans. Inutile d’être Prix Nobel de Mathématiques pour en déduire qu’à ce rythme-là, le dernier tiers pourrait être rayé de la carte d’ici 2050…
Selon le Rapport Biodiversity and Ecosystems Services 2019 de l’IPBES, la disparition de la biodiversité est 1 000 fois supérieure au taux naturel d’extinction des animaux. Et la 6ème extinction de masse des espèces que nous traversons actuellement – exclusivement liée aux activités humaines – est 100 fois plus rapide que la dernière, celle qui a vu la fin des dinosaures il y a 65 millions d’années !
Comment de telles réalités – qui pour l’instant ne doivent quasiment rien au dérèglement climatique (à l’exception des méga feux en Australie) – peuvent-elles être totalement – ou presque – ignorées ou du moins sensiblement sous-estimées par l’écologie politique et les ONG évoquées précédemment (à l’exception du WWF) en comparaison avec la focalisation sur le climat ?
Comment peut-on s’inquiéter des dommages du climat sur l’effondrement de la biodiversité alors même que nous ne semblons pas trop nous préoccuper de l’essentiel : la conséquence climatique de l’extermination du Vivant (la racine du problème) ? Soit le symptôme plutôt que la racine.
Est-ce parce que le réchauffement climatique semble menacer directement nos modes de vie ?
Comment pouvons-nous continuer de vivre de manière tellement déracinée que nous sommes devenu·e·s incapables de réaliser que nous faisons partie de ce Vivant qui se meurt à une vitesse fulgurante ? Sommes-nous si coupé·e·s de la toile de la vie que nous puissions imaginer ne pas être directement impacté·e·s par la grave altération des précieux et fragiles équilibres écosystémiques ? À vouloir sauver nos modes de vie, ne voyons-nous pas que nous sommes en train de menacer notre propre survie comme nous avons « bel et bien » entamé celle des autres espèces dont nous dépendons en réalité dans la longue chaine du vivant ?
Alors oui, le réchauffement climatique est préoccupant, il devient d’ailleurs à son tour un facteur terriblement aggravant de l’effondrement de la biodiversité. Mais il ne s’agit que du symptôme de notre grande entreprise collective de destruction massive du Vivant, et non l’inverse. Si nos activités n’émettaient pas de gaz à effet de serre ou si les gaz émis n’avaient pas d’impact sur la température moyenne du globe, la situation serait déjà absolument catastrophique.
En érigeant la protection/préservation/régénération du Vivant comme notre principale priorité – le RAV (Respect Absolu du Vivant) remplacerait le PIB – nous serions contraint·e·s d’abandonner toutes nos activités les plus toxiques, celles qui émettent les fameux GES (Gaz à Effet de Serre). Nous limiterions ainsi tout naturellement par la même occasion le réchauffement climatique.
En nous focalisons sur le climat, nous pouvons continuer d’exterminer les autres habitants de notre planète. Vive les énergies propres ! Vive la croissance verte !
Finalement, j’en arrive à une conclusion assez déroutante et pourtant bien légitime : si le climat ne se réchauffait pas, y aurait-il à nos yeux une crise écologique ? Évoquerions-nous l’anéantissement du Vivant ? Ou cela ne nous concerne-t-il que de loin car la 6ème extinction de masse – la seule due à l’une des espèces membres de la grande famille du Vivant – ne représente pas vraiment – à tort – un motif d’inquiétude quant à la poursuite de nos modes de fonctionnement, c’est plutôt même l’inverse puisque ce carnage nous permet justement de jouir de notre sacro-saint confort.
Les conditions d’habitabilité de notre planète ne se limitent pas à la seule température ! Pour accueillir la vie, notre maison doit entre autres générer de l’O2, produire de la nourriture en quantité suffisante et offrir de l’eau douce accessible et non polluée. Si ces conditions ne sont plus réunies ou du moins gravement altérées – c’est déjà le cas ! – la vie telle qu’elle existe aujourd’hui est clairement menacée à brève échéance.
Tout entreprendre pour éviter de finir toutes et tous carbonisé·e·s est-il le bon moyen d’éviter de finir asphixié·e·s, assoiffé·e·s ou affamé·e·s bien avant qu’il ne fasse trop chaud ?
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