Le titre évoque une conflagration majeure, à l’image de cette comète mise en scène dans le film récent à succès Don’t look up, ou encore de cette collision de la Terre avec Mélancholia qui est en quelque sorte son double « psychique », orchestrée par Lars von Trier. Dans ces deux films, la fin ne fait pas de doute… tragique ou plutôt tragico-logique.
Avec Impact, l’issue revêt une forme de « happy end »… pourquoi pas… mais cela n’est pas sans interroger ?!
L’intérêt de ce thriller écologique de Olivier Norek est multiple. D’abord bien sûr, il est au cœur d’un enjeu « sociétal » majeur : notre survie comme celle de l’ensemble du vivant connu face à la force d’extinction à l’œuvre par l’extractivisme effréné et écocidaire auquel nous assistons, et dans lequel nous somme pris, de manière quasi impuissante. Mais il est aussi dans cette lente inflexion des récits traitant de l’écologie et de la nature, vers la mise en scène interrogative, ambivalente du développement de l’éco-terrorisme, devenant une réponse incontournable par rapport à cette dévastation, source par ailleurs d’une éco-anxiété croissan
te.

Le parcours littéraire de Olivier Norek est révélateur de cette focalisation croissante sur le phénomène de l’éco-terrorisme, plus développé dans les fictions anticipatrices que cela soit dans le monde des livres ou dans celui des films, que dans la réalité, même si les actes et les mouvements qui en relèvent, et s’en réclament, émergent, et ne font qu’émerger sans doute…

À des policiers classiques (Code 93, Territoires, Surtension, Surface) qui s’inscrivent dans les origines professionnelles même de l’auteur qui vient du monde de la police, ses deux derniers thrillers sont plus en phase avec les questions relatives au grand désordre annoncé par les dérives de la mondialisation : Entre deux mondes nous entraîne dans l’enfer des migrations internationales induites par la folie des jeux de pouvoir et d’influences économico-politiques ambiants, et maintenant Impact qui met en scène le grand désordre écocidaire engendré par la frénésie capitaliste, confrontée aux limites de la terre qu’elle a mise en exploitation.
Le fil narratif d’Impact se révèle mince, voir « anodin » : un couple confronté à la mort de leur fille à sa naissance les poumons collés l’empêchant de respirer, malformation lié à la pollution atmosphérique…  Mais cette mort, une parmi celles des millions de victimes de la catastrophe écologique qui frappe le monde, revêt un impact majeur pour Virgil Solal : celui de la révélation, pour ce militaire loyaliste, aux ordres et sans état d’âme jusqu’ici, de cette catastrophe et de l’identification de ses responsables. Alors, il va mettre son intelligence, sa compétence, sa détermination pour tendre son action au-delà même de l’esprit de vengeance, même si sa première victime à la fois réelle et symbolique -le PDG de la Société Total – est condamné à expier la faute de son groupe, asphyxié par les émanations toxiques des gaz d’échappement – un peu comme dans cette ancienne loi du Talion, à une époque où la Justice moderne n’avait pas été instituée.
En disparaissant des radars de la « grande muette », et en créant l’organisation « GreenWar », ce militaire Virgil Solal, tel un stoïcien digne de l’Antiquité, comme un soldat de l’empereur Marc-Aurèle, va faire son métier d’homme , jusqu’au sacrifice de lui-même si nécessaire pour faire cesser le massacre. Telle est l’intention du moins.
La première partie du roman « GreenWar » pose donc le décor de la mise en action de l’organisation éco-terroriste dirigée par Virgil Solal. Cependant l’intérêt de l’histoire va au-delà de l’action, dans cette manière  qu’a l’auteur de peindre au fil du récit, le contexte du grand désordre écologique et de son impact qui commence à se révéler au quotidien sur les êtres de la vie ordinaire et sur les populations du monde. Sur la manière aussi – que l’on aimerait également anticipatrice – avec laquelle ce militaire réussit à mobiliser les foules, en les ralliant à sa cause qu’il médiatise avec brio, en agitant le symbole d’un masque de Panda balafré. Ainsi le roman s’enrichit-il d’épisodes qui apparaissent comme des digressions, et qui pourtant sont autant de pièces enchevêtrées de ce puzzle d’un monde en perdition, relatant la manière dont les vivants sont affectés. Ainsi a-t-on aussi au long de la lecture des « Nouvelles du monde »  par « un voyage en Absurdie » . Ces images du monde détraqué seront au cœur du réquisitoire de la défense lors du procès qui constitue la seconde partie du thriller. Car le point de mire de l’auteur est là, dans cet agencement de la plaidoirie du cabinet d’avocats Atomic 8, engagé par Virgil Solal, en forme de réquisitoire contre la Justice et l’État au grand dam des magistrats, réquisitoire largement relayé par la presse et les réseaux sociaux.

Le roman est sorti en octobre 2020 au cœur même de la sidération du confinement mondial du fait de la situation pandémique, et les risques épidémiologiques à venir maintes fois rappelées alors sont mis en avant dans l’argumentaire.

« Et avec la fonte du permafrost, ce sont des microbes anciens de millions d’années qui vont se réveiller. Des virus qui ont terrassé des dinosaures de plusieurs tonnes, bien éloignés du Covid-19 qui, malgré la pandémie, s’est révélé relativement inoffensif. Des virus dont la dangerosité sera favorisée par la pollution atmosphérique qui, selon le GIEC, mènera la planète à une possible augmentation de chaleur de quatre à cinq degrés. Mais même à quatre degrés, l’affaiblissement des ressources de la planète et la dégradation des écosystèmes ne pourraient pas permettre à plus d’un milliard de personnes de survivre, et nous sommes presque huit milliards. Alors qu’allons-nous faire des humains en trop ? Les regarder crever à la télévision ? Car c’est bien la peine de mort qui est prévue pour eux ! Ainsi, les actes de Virgil Solal pour les défendre ne sont-ils pas proportionnels et nécessaires ?

À ces deux mots, le président rassembla les pièces du puzzle que présentait Fabien Attal. Tout était maintenant clair dans sa défense. Clair et terrifiant.

– Maître, voulez-vous bien approcher ?

L’avocat d’Atomic 8 s’attendait à être interrompu à cet instant même, et en deux pas, il lui fit face. Le président le questionna, avec une boule dans le ventre, la main posée sur son micro.

– Vous n’allez pas oser tout de même ?

Attal le défia en haussant les épaules.

– Vous me l’interdisez ?

– Je n’en ai pas le pouvoir. Mais vous allez vous planter.

– Je prends le risque. Je peux poursuivre ?

Mâchoire serrée, le président ne répondit pas, et Attal se plaça de nouveau au centre de la cour.

– Je me suis attaché à démontrer que l’activité de ces grandes entreprises et de leurs dirigeants constituait une attaque injustifiée de l’humanité. Par sa constance et sa répétition, j’ai démontré que cette attaque était actuelle. Par le nombre de morts qu’elle provoque, j’ai enfin démontré qu’elle était réelle. Ainsi, la réponse de Greenwar, par les actes de Virgil Solal, devient nécessaire, simultanée et proportionnée »

Le roman trouve ainsi sa force d’évidence et de conviction, sa capacité mobilisatrice dans l’importante documentation qui le nourrit chapitre après chapitre, et qui est référencée à la fin de l’ouvrage, avec nombre d’articles d’actualité qui ponctuent les propos de manière solide. Nous ne sommes pas dans l’imaginaire, mais bien dans le réel. La tension dramatique du roman tient aussi au profil psychologique et aux réflexions-interrogations morales prêtées par l’auteur à son héros Solal, et qui pourraient bien être les siennes, et le moteur politico-philosophique ambivalent du manifeste ainsi produit. On en trouve la trace dans ce dialogue au milieu du roman :

 « – Onze gamins sont morts hier soir, dit-elle, presque accusatrice. Un masque noir et blanc a été retrouvé dans une poubelle, comme une signature.

– Je n’y suis pour rien, se défendit Virgil, calmement.

– Vous avez ouvert la voie.

– Vous espériez quoi ? Que je sois touché par ce drame ? Que j’arrête tout à cause de ça ? Voilà plusieurs jours que je vous parle de millions de morts effectives et des dizaines de millions à venir et vous voulez que je verse une larme parce qu’il y en a onze de plus ce matin ? C’est parce qu’ils sont français ou européens que c’est plus grave ?

– Alors vous pourriez peut-être nous expliquer ? demanda Modis. Il suffit d’être riche pour se retrouver sur le banc des accusés ?

– Je vous le répète, Greenwar se désolidarise de l’action perpétrée hier. Nous ne sommes pas des terroristes. Nous ne frappons pas aveuglément. Nous ne sommes pas des idiots non plus. Nous savons bien que rien ne se fera sans la finance et les grandes entreprises. C’est avec elles que nous changerons le monde et pas avec les poubelles vertes, bleues et jaunes.

– Vous exonérez d’efforts et de responsabilité le simple citoyen ? s’étonna Meyer.

– Le citoyen ? reprit Solal. Ne lui demandons pas de renier sa nature. Personne ne semble prêt à se défaire ni de son confort, ni de ses habitudes. Tant que le choix sera laissé, l’option du moins contraignant gagnera. La démocratie et le libre arbitre sont des notions merveilleuses, mais au sujet de l’écologie, il est grand temps de s’en rendre dignes au risque d’en être privés. Pourtant, dès aujourd’hui, on ne peut pas laisser au consommateur la possibilité de décider entre des fruits de saison ou des fraises venues du bout du monde, de décider entre un trajet intérieur en avion ou un trajet en train. Il faut malheureusement choisir pour lui. Lui prendre la main. Il faut des lois d’obligation, pour les citoyens et pour les grandes entreprises. Et je le répète, ce n’est qu’avec elles que nous provoquerons un vrai changement. C’est juste qu’elles ne le savent pas encore, ou qu’elles veulent profiter encore quelques années d’une économie destructrice. Quand le capitalisme cédera, parce que l’impasse sera inéluctable, il intégrera les contraintes écologiques comme il a intégré toutes les autres. Il faut juste l’y pousser, mais le temps nous manque pour le faire pacifiquement. » 

Attention spoiler

Le procès a eu lieu, l’auteur qui ne peut que comprendre son héros, ne peut cependant laisser la Justice l’acquitter… en dépit du réquisitoire implacable contre sa lâcheté et son asservissement politico-économique au Système, dénoncé avec lucidité. Le soldat Norek reste loyaliste, et fait purger sa peine de 25 ans de réclusion à Virgil Solal. Mais « happy end »,  la récompense ou l’espérance est au bout du purgatoire : le Parc National des Pyrénées « majestueux de calme et de paix » (le paradis ?) – 46000 hectares achetés à l’Etat français – est devenu l’éco-complexe de « GreenFutur ».

Nous sommes passés en 25 ans de « GreenWar »  à « GreenFutur », l’écrin d’un autre possible…
Reste qu’une plaque est toujours là clouée au refuge du lac d’Arremoulit pour dire le triste chemin accompli :

« Virgil ôta son gant et s’en servit pour frotter l’inscription, couverte de givre. Il lut à haute voix un texte qu’il connaissait par cœur.

« Le glacier d’Arriel, glacier le plus à l’ouest des Pyrénées, a disparu, comme 50 % des glaciers pyrénéens ces dernières années. Ils disparaîtront probablement tous d’ici 2040. Cette plaque atteste que nous savons ce qu’il se passe et que nous savons ce qu’il faut faire. Vous seul-e-s saurez si nous l’avons fait. Octobre 2019. »

Le regard de Tearanui s’embruma un instant.

– 2040 est passé, dit-elle. Et la prédiction était presque juste. Les glaciers des Pyrénées ont tous disparu, à l’exception de deux valeureux résistants. L’Amazonie n’existe plus qu’en photo et une grande partie de 222 la banquise arctique comme du Groenland s’est évaporée. Malheureusement, je ne peux toujours pas répondre à la question : avons-nous réussi à changer le cours des choses ? Les bonnes volontés sont nombreuses mais les vieilles habitudes persistent. Le monde s’écroule plus lentement, mais il s’écroule toujours. Nous y sommes-nous pris à temps ? Je l’ignore, mais au moins, nous aurons fait notre possible et nous n’aurons pas à nous excuser. » 

Difficile face à ce constat de ne pas s’interroger sur ce qui peut apparaître comme la faille morale et politique de ce roman qui transpire jusque dans les dernières pages.

Tearanui la petite fille du grand-père de Nouvelle-Zélande rencontré au cours de l’histoire et qui avait vu en rêve le pic d’Arriel poussant sa petite fille à un voyage digne de l’Alchimiste de Paulo Cuelho , fait visiter à Virgil Solal à sa sortie de prison GreenFutur :

« – Regarde. Toutes les vallées du parc ont une fonction. Là-bas, la vallée d’Aspe, le dernier bastion des ours. Nous l’avons transformée en réserve animale et nous accueillons de nouvelles espèces en danger d’extinction tous les ans. À droite, la vallée d’Ossau et sa dizaine de lacs que nous utilisons pour créer de l’énergie. De l’hydroélectricité, grâce aux barrages construits sur les lacs les plus grands, et des stations flottantes de panneaux solaires nouvelle génération, pour les lacs plus petits. Nous créons tellement d’énergie verte que nous en revendons depuis près de six ans. L’action Greenfuture est même cotée en Bourse. Tu le disais dans tes lettres, nous ne ferons rien sans nous allier au capitalisme. C’est comme un chien mauvais, il protège la maison, mais il faut surveiller ses vilaines habitudes. »

Nous restons au final assez éloigné de cette phrase prononcée par Solal au début de sa révolte, « l’écologie sans révolution c’est du jardinage ».

« – Vous risquez d’avoir d’autres imitateurs, avança la psy. Des raisonnables comme des fanatiques. Vous comptez tout assumer et les défendre de la même manière ?

– Les électrons libres et les disciples excessifs sont inévitables. Ils étaient prévus, malheureusement. Mais puisque nous avons dépassé l’urgence, puisque des populations entières ne font déjà que survivre, je ne peux me défaire d’aucun de mes soldats. L’écologie, sans révolution, c’est du jardinage. Pour être parfaitement honnête, le monde a besoin d’électrochocs et j’espère que cette révolution ne s’arrêtera pas à mes petites actions hexagonales. Je souhaite que ma colère se diffuse dans d’autres esprits et que ceux-ci la transportent au-delà des frontières. Nous n’avons plus le temps, ils en ont trop perdu à s’enrichir, à se gaver d’un argent que mille vies ne permettraient pas de dépenser.

Solal entendit sa propre voix, agressive, et prit le temps de deux grandes inspirations pour retrouver son calme.

– Vous pensiez qu’on allait faire des sit-in et chanter des chansons pour la planète encore combien de temps ? »

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