Fiche Pédagogique

Antispécisme & Véganisme

par Jean-Christophe Anna

Antispécisme ? Véganisme ?

 

Le spécisme est la considération que l’espèce à laquelle un animal appartient, par exemple l’espèce humaine, est un critère pertinent pour établir les droits qu’on doit lui accorder ou l’égard porté à ses intérêts. Ce concept éthique est surtout utilisé par les tenants de l’antispécisme, dans un contexte lié aux droits des animaux.

Le spécisme place l’espèce humaine au-dessus de toutes les autres et accorde une considération morale plus grande à certaines espèces animales – les animaux de compagnie – qu’à d’autres – les animaux d’élevage, les animaux sauvages, les animaux destinés à l’expérimentation et ceux considérés comme nuisibles.

 

L’antispécisme est un courant de pensée philosophique et moral, formalisé dans les années 1970 par des philosophes anglo-saxons qui défendent un renouveau de l’animalisme, et considèrent que l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas un critère pertinent pour décider de la manière dont on doit le traiter et de la considération morale qu’on doit lui accorder. Les philosophes Richard D. Ryder et Peter Singer développent le concept « antispécisme », en l’opposant au spécisme, concept défini sur le modèle du racisme et du sexisme.
L’animalisme est un courant de l’éthique qui s’appuie sur les avancées de l’éthologie et qui défend les droits des animaux. Ce courant soutient que les animaux non humains sont des êtres sensibles capables de souffrir, et par-là même dignes de considération morale de la part des êtres humains.

 

Si les humains sont omnivores – c’est-à-dire que nous pouvons manger de tout – cela ne signifie pas que nous devons manger des animaux. La nuance est de taille. Avant de développer les raisons pour lesquelles le véganisme est à la fois un choix éthique ainsi qu’une décision écologiquement responsable, il convient de présenter les différents régimes alimentaires qui diffèrent du régime « classique », ce qui ne signifie en aucun cas naturel.
Le flexitarisme est un régime alimentaire majoritairement végétarien avec une consommation occasionnelle de « viande » ou de
« poisson ».
Le
pescetarisme est un régime alimentaire sans viande, avec du poisson, des mollusques et des crustacés.
Le v
égétarianisme est un régime alimentaire sans viande, ni poisson.
Le v
égétalisme est un régime alimentaire sans aucun produit d’origine animale (ni poisson, ni viande, ni lait, ni œuf, ni miel).

 

Enfin, le véganisme ne se limite pas au contenu des repas. C’est un mode de vie se passant de tout produit d’origine animale aussi bien dans l’alimentation que dans l’habillement et les accessoires.

 

 

60% !

En biomasse, la proportion des mammifères terrestres est la suivante :
4% d’animaux sauvages
60% d’animaux d’élevage
(qui finissent dans nos assiettes)
36% d’humains

Illustration de L’Archipel du Vivant
Imaginée par Jean-Christophe Anna et réalisée par Hugo Mairelle.

Infographie réalisée par l’iglou. Pour découvrir le formidable travail de ce site de vulgarisation scientifique, cliquez ici !

Des Droits de l’Homme aux Devoirs des humains envers le vivant !

Ce point de vue est celui de l’auteur de cette Fiche Pédagogique, Jean-Christophe Anna.

« Et si donner des droits au Vivant et à la Terre était une mauvaise idée !
C’est nous qui avons des devoirs

Je propose dans mon livre (Écrivons ensemble un nouveau récit pour sauver la vie ! Utopie éclairée, la révolution est vitale – L’Archipel du Vivant, 2021) un exercice singulier et inédit de déconstruction de 18 des piliers fondamentaux de notre civilisation thermo-industrielle dans le cadre d’une Révolution spirituelle, philosophique et politique au service du Vivant.
Le chapitre en question s’intitule « Des Droits de l’Homme aux Devoirs des humains envers le Vivant ». C’est en quelque sorte une invitation à abandonner notre anthropocentrisme dominateur pour embrasser un biocentrisme salvateur. Ou comment faire preuve d’humilité en cherchant à occuper notre juste place, celle d’une espèce parmi tant d’autres, en aucun cas supérieure. Et aussi comment accepter notre immense responsabilité en mettant notre énergie collective au service du Vivant.
J’y propose une analyse critique de l’expression même « Droits de l’Homme » qui n’a plus guère lieu qu’en France – les autres pays, y compris ceux de langue française comme la Belgique et le Québec notamment lui préfèrent depuis longtemps l’expression « Droits humains » – concourt selon moi à cultiver l’inégalité femme-homme de la même manière que la règle selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin dans la langue de Molière. Je propose une nouvelle Déclaration des Droits humains.

Je questionne également les différentes initiatives dont l’ambition est d’octroyer des droits aux non humains ou à la Terre et à ses montagnes, rivières et lacs. J’explique notamment pourquoi selon moi il est incongru d’imposer notre propre référentiel de normes à des êtres qui dépendent des lois du Vivant (évolution, sélection naturelle, entraide…) qui existaient bien avant l’apparition d’homo sapiens et sont les seules légitimes. Les non humains sont dans l’incapacité totale de défendre de tels droits humains. J’en arrive à la conclusion qu’il nous appartient plutôt de nous imposer individuellement et collectivement des devoirs envers l’ensemble des êtres vivants. Je propose une « Déclaration des Devoirs des humains envers le Vivant ».

J’ai le projet d’y consacrer un livre entièrement dédié à cette question qui me semble centrale et qui pourtant va à l’encontre de l’idée largement répandue et soutenue par de nombreux écologistes engagé·e·s selon laquelle le seul moyen de protéger/préserver le Vivant est de lui donner des Droits. Selon moi, c’est tout l’inverse. C’est au contraire le meilleur moyen d’entretenir – sans en être bien conscient·e·s – ce rapport de domination totalement intolérable et gravement préjudiciable. »

Devoirs et responsabilités

Depuis toujours nous chérissons nos droits. Directement transmis par une puissance supérieure, dignement acquis ou difficilement conquis, par la désobéissance ou par la force, ils nous semblent indiscutables, non négociables, inébranlables. Concentré·e·s sur la reconnaissance de ces droits – qui n’ont longtemps concerné que l’homme avant de s’appliquer aussi à la femme – , attaché·e·s à leur préservation et déterminé·e·s à en tirer la plus grande jouissance, nous avons été aveugles aux conséquences que cela pouvait engendrer sur notre environnement.
En nous arrogeant le droit de disposer librement de la faune et de la flore comme si elles nous étaient acquises, de puiser les ressources de la Terre comme si elles étaient infinies, de polluer les différents éléments essentiels à la vie – l’eau, la terre et l’air – comme s’ils pouvaient tout absorber, nous avons gravement abîmé Gaïa.

Aujourd’hui, il est vraiment temps de reconsidérer sérieusement nos droits avec deux objectifs :

  1. qu’ils profitent réellement à chaque humain indifféremment de son sexe, de son orientation sexuelle, de ses croyances, de sa couleur de peau, de son origine, de son statut social ;
  2. et surtout qu’ils ne s’exercent plus au détriment de la liberté la plus précieuse de toute forme de vie sur Terre… celle de simplement vivre ! Mais, comment protéger cette liberté absolue ? En attribuant des droits à la Terre et/ou à l’ensemble de ses habitants – et non uniquement aux seuls humains ? Pourquoi pas, mais comment les faire respecter ? Et par qui ? Nous ? Des humains pour défendre les droits des non humains lorsqu’ils sont bafoués par d’autres humains ?

Pour opérer ce changement de paradigme, il convient de déconstruire nos réflexes, nos prismes, nos croyances. Et si plutôt que d’attribuer des droits à nos victimes, nous reconnaissions enfin – sans oublier bien entendu des les assumer – nos impérieux DEVOIRS et nos immenses RESPONSABILITÉS vis à vis de la biosphère végétale et animale ?

« Nous sommes la dernière génération à pouvoir protéger le vivant. »
Laurie Debove – Livre-journal Vivant édité par La Relève et La Peste – 2019

Si nous ne sommes pas forcément, individuellement, coupables de l’état dans lequel se trouve aujourd’hui notre maison, nous avons, collectivement, la responsabilité de changer radicalement notre rapport au Vivant en admettant que nous en faisons intégralement partie. Nous avons la responsabilité de changer radicalement notre rapport aux autres animaux, non-humains, en comprenant que nous ne pouvons leur survivre si nous causons leur extinction. Nous avons la responsabilité de changer radicalement notre rapport à la vie, à toutes les formes de vie. Nous n’avons pas plus de droits que les autres habitants de notre planète. En revanche, parce que nous sommes l’animal avec le plus d’impact sur son environnement, et parce qu’heureusement nous avons la capacité cognitive et matérielle de modifier nos modes de vie en conséquence, nous avons infiniment plus de devoirs qu’eux.

« Un jour viendra où l’on jugera notre société non à la manière dont elle a dominé la nature,
mais à la part de sauvage qu’elle aura été capable de sauvegarder
. »
Robert Hainard

 

Des droits pour la Terre mère ?

« Certaines populations autochtones cultivent encore une relation intime avec la nature et vivent avec elle de façon symbiotique. Elles perçoivent leurs terres ancestrales comme des lieux sacrés d’importance écologique, culturelle et spirituelle. La relation à la terre fonde leurs systèmes de gouvernance, elles se disent appartenir à une terre et non l’inverse. Pour elles, un territoire comprend les plantes, les animaux, les esprits des anciens, toute forme de vie sur terre, y compris les humains, et atteint les profondeurs de la terre, dont le sous-sol et, plus loin encore, les roches et les minéraux, ainsi que les hauteurs du ciel jusqu’aux constellations célestes. Leur rôle et leur signification sont irremplaçables. Ces éléments sont des centres de connaissance et d’apprentissage intergénérationnels et, au-delà, des sources de droit. » Valérie Cabanes – La nature sujet de droit – Livre-journal Vivant édité par La Relève et La Peste – 2019

Certains peuples ou pays ont déjà reconnu et accordé certains droits à Gaïa et aux différents êtres qui la peuplent : animaux non-humains, fleuves, montagnes…
C’est le cas notamment de La Déclaration universelle des Droits de la Terre Mère en 2010. D’autres textes, tels La Charte de la Terre adoptée en 2000, la Constitution équatorienne de 2008 ou encore La Loi-cadre bolivienne sur les Droits de la Terre Mère de 2010, s’inscrivent dans la même philosophie.

La Déclaration universelle des Droits de la Terre Mère (2010)
« La Terre Mère et tous les êtres possèdent tous les droits intrinsèques reconnus dans la présente Déclaration, sans aucune distinction entre êtres biologiques et non biologiques ni aucune distinction fondée sur l’espèce, l’origine, l’utilité pour les êtres humains ou toute autre caractéristique. » (Art. 1.5)
Elle fut établie à l’initiative des peuples amérindiens et formulée à la Conférence mondiale des peuples contre le changement climatique avec l’ambition qu’elle soit adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette conférence s’est tenue en Bolivie à Cochabamba du 19 au 22 avril 2010, à l’initiative d’Evo Morales, premier président indien élu en Bolivie, afin de proposer des alternatives à la suite de l’échec du Sommet de Copenhague (COP15, décembre 2009).

La Charte de la Terre (2000)
« Reconnaître le lien d’interdépendance entre tous les êtres vivants ainsi que la valeur de toute forme de vie, quelle qu’en soit son utilité pour l’être humain. » (Principe I.1.a)

Le site web Droits de la nature (1) présente ce texte ainsi :
« Ensemble de principes éthiques fondamentaux soutenus par 6 000 organisations, la Charte offre un cadre de transition vers une société reconnaissant l’interdépendance des êtres vivants ainsi que la dépendance du bien-être humain à celui des écosystèmes. Des pays s’en sont inspirés, comme l’Équateur et la Bolivie. »

La Constitution équatorienne (2008)
« La nature, ou Pacha Mama, où la vie est reproduite et se produit, a droit au respect intégral de son existence et au maintien et à la régénération de ses cycles de vie, de sa structure, de ses fonctions et de ses processus évolutifs. » (Article 71)

Le site web Droits de la nature présente ce texte ainsi :
« Premier texte national contraignant de l’histoire à reconnaître les droits de la nature, il invite les citoyens équatoriens à en faire respecter les dispositions concernées. S’il renverse la charge de la preuve (le doute profite à la nature), le texte pâtit d’un écueil : l’absence de mécanisme d’application des droits de la terre qui relève en pratique de la volonté du gouvernement et de la mobilisation de la société civile. »

Loi-cadre (0-71) bolivienne sur les Droits de la Terre Mère (2010)
« Dans le but de protéger et de faire respecter ses droits, la Terre Mère prend le caractère d’un intérêt public collectif. Elle et toutes ses composantes, y compris les communautés humaines, ont droit à tous les droits inhérents reconnus dans cette Loi. » (Article 5)

Le site web Droits de la nature présente ce texte ainsi :
« Envisageant la Nature comme une communauté vivante dynamique composée d’êtres interdépendants au destin commun, la loi-cadre leur reconnaît une série de 7 droits essentiels qu’elle associe à un ensemble de devoirs dévolus à l’État et aux personnes physiques et morales. Elle institue en outre un médiateur de la Terre chargé de veiller au respect des dispositions contenues dans le texte.

Le  Site web Droits de la nature a réalisé un remarquable travail : « Les Droits de la Nature, ou Droits de la Terre, sont un ensemble de règles et principes visant à protéger les entités de la biosphère telles qu’un fleuve, un lac, une montagne ou un parc en les reconnaissant comme personnes ou êtres vivants dotés de droits propres au titre de leur valeur intrinsèque. À la manière d’une entreprise ou d’une association, leur intégrité est juridiquement protégée et elles peuvent se défendre en justice en cas de violation via un tuteur ou un représentant compétent officiellement nommé. Les Droits de la Nature associent ainsi une approche biocentrique, issue notamment de la vision des peuples autochtones, à des mécanismes juridiques occidentaux. »

Dans le livre-journal Vivant édité par La Relève et La Peste en décembre 2019, Valérie Cabanes explique ainsi cette dynamique assez répendue en Amérique centrale et en Amérique latine : « L’idée de codifier des modes de gouvernance centrés sur la Terre a d’abord trouvé un écho favorable dans des pays à forte composante autochtone qui ont perçu l’intérêt de dresser un pont entre leurs représentations du monde et leur droit coutumier et le droit écrit des sociétés occidentalisées, ceci afin de mieux se prémunir des ravages de l’activité industrielle. »
Auteure des livres Un nouveau Droit pour la Terre : pour en finir avec l’écocide et Homo Natura : en harmonie avec le vivant, la juriste cite dans Vivant d’autres exemples intéressants de reconnaissance de droits de la nature dans des textes constitutionnels (2 états et la ville de Mexico au Mexique), des lois (2 municipalités au Brésil et une en Argentine, différentes nations indiennes aux États-Unis et le Parlement néo-zélandais), des chartes (une trentaine de villes aux États-Unis) ou via des instances juridiques (État d’Uttarakhand au nord de l’Inde et la Colombie).

Qu’en est-il dans notre pays ? Dans la Constitution française se trouve un texte fort méconnu, celui de la « Charte de l’environnement de 2004 » adoptée par le Congrès le 28 février 2005 et qui ait partie intégrante du « bloc de constitutionnalité » français au même titre que la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1946. Selon Ferdinand Mélin-Soucramanien, Professeur de droit public à l’Université de Bordeaux, qui présente la Constitution française dans l’introduction de l’édition Dalloz de 2020, « Cette Charte assigne aux autorités publiques des objectifs à valeur constitutionnelle que devront poursuivre la législation et la réglementation. Mais cette Charte contient aussi de véritables droits fondamentaux constitutionnels comme l’ont jugé le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État dès 2008, à propos du principe de précaution et du droit à l’information en matière environnementale ».
À y regarder de plus près, cette Charte semble si peu contraignante que son contenu a dû être oublié – pour ne pas dire totalement ignoré – y compris par les militant·e·s écolos les plus engagé·e·s en France aujourd’hui. Pourtant tout n’est pas à jeter. Voici ce texte avec quelques remarques avec quelques suggestions soulignées entre parenthèses :

« Le peuple français,
Considérant :
Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;
Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains (de tous les membres du Vivant !) ; »
Que l’homme (les humains) exerce une influence croissante sur la vie et sur sa propre évolution (détruisent les conditions de la vie et mettent ainsi en danger leur propre survie) ;
Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des société humaines sont affectés par certains (tous nos) modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;
Que la préservation de l’environnement (du Vivant) doit être recherchée au même titre que les (est impérativement supérieure aux) autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
Qu’afin d’assurer un développement durable (de préserver les conditions d’habitabilité de la planète), les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins,
Proclame :
« Article 1er. Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »
Mais en attendant, la pollution atmosphérique tue 67 000 personnes par an dans notre pays.

« Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. »
Voilà une bien sympathique intention qui mériterait assurément d’être développée !

« Article 3. Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. »
Ah bon ?

« Article 4. Toute personne entreprise doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. »
Il serait bon d’ajouter : Toute entreprise ayant une activité toxique pour la sauvegarde de la vie sur Terre doit être immédiatement interdite !

« Article 5. Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de pro- cédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Autant le dire tout de suite, nous en sommes bien loin, non ? Que dire du CETA, du Grand Contournement Ouest de Strasbourg, de l’enfouissement des déchets toxiques de StocaMine ou de Bure, de l’import massif d’huile de palme pour faire carburer la raffinerie Total de la Mède, de l’autorisation des intrants chimiques dans l’agriculture conventionnelle ou de la pollution chimique rejetée par l’usine Sanofi de Mourenx… sans oublier les projets envisagés (EuropaCity, la Montagne d’Or…) et heureusement abandonnés (mais attention d’autres sont dans les cartons pour les remplacer !).

« Article 6. Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable préserver le vivant avant tout autre considération. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique une économie exclusivement locale respectueuse du vivant et le progrès social. »

1. https://droitsdelanature.com/les-textes-des-droits-de-la-nature

Des droits pour les animaux non-humains ?

À l’instar des Droits pour la Terre Mère ou pour la nature, la reconnaissance et la promotion de Droits pour les animaux, peut sembler être un combat voué à l’échec. Elle dépend du pouvoir législatif, souvent lui-même très dépendant du pouvoir exécutif, comme c’est le cas en France. En outre, l’influence des lobbies (agriculture intensive, chasse, pêche…) est très prégnante, au point de retrouver dans nombre de lois des passages entiers rédigés directement par ces puissants groupes de pression.
Longtemps, – et Descartes y a sa part de responsabilité –, nous avons considéré l’ensemble des animaux non-humains comme de simples objets car nous les imaginions totalement dépourvus de conscience, de sentiments, d’âme. Nous étions donc libres de les utiliser, de les exploiter, d’avoir droit de vie ou de mort sur eux. Et nous le sommes toujours dans de très nombreux cas. Ce qui a changé, c’est que nous avons progressivement créé des distinctions utilitaristes – car anthropocentrées – entre animaux domestiques et animaux sauvages et au sein même de la première catégorie entre animaux de compagnie et animaux d’élevage.
Sans oublier, bien évidemment que, dans notre monde actuel où l’État-nation est roi, le sort d’une même espèce n’est pas le même en fonction du territoire sur lequel elle évolue. Il dépend donc tout « naturellement » de nos frontières humaines.

Le sort des animaux est tributaire de nos classifications anthropocentrées
Notre prisme spéciste nous a conduit à ériger une forme de hiérarchie dans le monde animal en en excluant d’ailleurs l’espèce humaine, comme si elle était une espèce à part… comment diable pourrions-nous être de simples animaux ? Nous avons classé les animaux en deux grandes catégories : les domestiques et les sauvages. Parmi la première catégorie, celle des animaux domestiques, le sort d’un animal de compagnie est très différent de celui d’un animal d’élevage.
C’est ainsi que nous chérissons nos compagnons chats et chiens tout en nous rassasiant de bœufs, de cochons, de moutons ou de coqs, mais aussi de leur progéniture à la chair tendre : veaux, porcelets, agneaux ou coquelets. Mais, même si les animaux de compagnie jouissent d’un traitement de faveur, n’oublions tout de même pas qu’ils nous appartiennent – nous en sommes les propriétaires – et que nous décidons librement de les castrer ou de les euthanasier, de les tenir en laisse ou de les museler, de les habiller ou de les coiffer…
Il est temps de déconstruire tous nos conditionnements, toutes nos « réalités imaginaires », toutes nos constructions intellectuelles. Une question somme toute cruciale se pose. Que deux animaux se rencontrent, s’apprivoisent réciproquement et décident l’un comme l’autre de vivre ensemble pour s’entraider, se rendre mutuellement service, sans aucun rapport de domination de l’un sur l’autre, il s’agit alors de l’une de ces interactions biologiques symbiotiques qui relève de la pure magie, celle du Vivant ou chacun·e reste libre de mettre fin à la relation. Mais, comment un animal peut-il appartenir à un autre animal ? Comment le second a-t-il pu imaginer un jour être supérieur au premier au point d’en faire sa propriété ? Il est vrai que la question se pose de manière moins naïve lorsque l’on réalise que l’animal humain a été capable d’être propriétaire d’autres humains, via l’esclavage notamment.

Quant aux animaux que l’on élève pour notre consommation, il me paraît illusoire d’imaginer que prendre soin de leur bien-être, tant qu’ils sont vivants et quand on les mène à l’abattoir, justifie leur assassinat final. Malgré toute la sincérité des personnes prônant un élevage du bétail soucieux de leur dignité et de leur santé, il s’agit là d’une dissonance cognitive profonde. Car au bout du compte, il s’agit bien d’une instrumentalisation de ce « bétail » que l’on fait naître pour finir dans nos assiettes. Lorsque je souligne le caractère prématuré de la mort des animaux d’élevage par rapport à leur espérance de vie, nombreuses sont les personnes capables de soutenir que sans nous ils n’auraient pas vécu… Notre droit de vie et de mort sur ces êtres vivants sensibles serait donc parfaitement légitime ! Il n’est pas rare d’entendre que les animaux d’élevage – y compris dans une ferme agroécologique comme celle des Amanins (fondée par Pierre Rabhi) – vont consciemment à l’abattoir pour se donner à nous… Sans parler de celles et ceux qui s’émeuvent lorsqu’une éventuelle libération des animaux d’élevage est évoquée. Qu’en ferions-nous ? Que deviendraient-ils ? Ils risqueraient de ne pas survivre bien longtemps. Autant donc poursuivre les inséminations artificielles, retirer les petits à leurs mères et continuer de les abattre à la chaîne ! La conclusion du livre No Steak d’Aymeric Caron le formule avec une grande clarté : « Sans les élevages destinés à l’alimentation, il n’y aurait plus de poules, ni de vaches sur terre ! » Cet argument est un grand classique parmi les preuves censées convaincre les végétariens de leur erreur : suggérer que les poulets, cochons et autre bœufs devraient nous remercier de les manger parce qu’ils existent grâce à nous, que nous les créons pour notre consommation et que, par voie de conséquence, si tout le monde devenait végétarien ils disparaîtraient – ce qui serait évidemment extrêmement regrettable. Voilà bien l’un des arguments les plus tordus, et surtout les plus stupides, qu’il m’ait été donné d’entendre de la part des défenseurs du lobby proviande.
Quelle formidable hypocrisie, tout d’abord, que de prétendre se soucier de la préservation d’une espèce pour en justifier la consommation ! De surcroît, l’affirmation est tout simplement inexacte. Même si les animaux domestiques résultent de sélections génétiques effectuées par l’homme, ils ont tous un ancêtre qui ne nous a pas attendus pour apparaître sur terre. Qui plus est, aucun d’entre eux n’est définitivement domestiqué. Les chiens sauvages en meute que l’on croise dans différents pays, qui se nourrissent par eux-mêmes et qu’il vaut mieux ne pas tenter de caresser l’attestent.
Un seul animal domestique ne peut survivre sans l’être humain : le bombyx du mûrier, ce lépidoptère originaire du nord de la Chine, dont la chenille est le ver à soie. Les œufs ne peuvent éclore qu’à une certaine température, les larves se nourrissent de feuilles de mûrier fournies par l’homme, les papillons sont incapables de voler et ne se nourrissent pas car leur tube digestif est atrophié. Ils ne vivent que le temps nécessaire pour se reproduire. Si les humains cessaient de les élever, ils disparaîtraient.
Pour toutes les autres espèces d’animaux domestiques, en revanche, l’arrêt de leur exploitation par l’homme entraînerait certes une diminution de leur population, mais pas leur extinction. Enfin, cet argument est moralement indéfendable. Imaginez qu’un couple décide de faire des enfants pour, disons, vendre leurs organes ou les prostituer. Pourraient-ils dire devant un tribunal : « On ne peut pas nous reprocher nos actes, car c’est grâce à eux que nos enfants sont nés » ? L’idée de créer des êtres vivants sensibles dans un but purement utilitaire, en leur réservant une vie qui ne sera qu’un lot de souffrances, est tout simplement inacceptable. »

Notre comportement à l’égard des animaux aquatiques est tout à fait comparable. D’un côté, nous emprisonnons des poissons tropicaux dans de beaux aquariums tout en nous délectant de truites ou de saumons d’élevage.
Toujours dans le même livre, Aymeric Caron relève la dimension proprement incohérente de notre rapport aux animaux : « Lorsqu’ils ne ressemblent pas à des peluches qu’on aimerait serrer dans nos bras, certains animaux peuvent nous plaire grâce aux qualités qu’on leur reconnaît : le cheval élégant et racé, le dauphin intelligent et doux, l’éléphant imposant et pacifiste, le lion majestueux et redoutable. Nous aimons les regarder et nous nous indignons facilement du mépris dont ils pourraient faire l’objet.
Nous apprécions également qu’un animal nous ressemble : c’est pourquoi les singes, dont certains partagent avec l’homme 99% de leurs gènes, sont considérés comme des espèces à part qui méritent une attention toute particulière.
Et puis il y a les animaux dont les caractéristiques esthétiques et comportementales nous touchent moins. Les bœufs. Les cochons. Les poulets. Ni beaux ni moches. Pas spécialement affectueux à première vue, ni spécialement agressifs. Ce sont généralement ceux-là que nous mangeons. Ils ne nous inspirent a priori aucune compassion particulière, mais ne nous dégoûtent pas non plus – on ne peut manger ce qui nous dégoûte. On ne les aime pas assez pour les protéger, mais on ne les déteste pas non plus suffisamment pour les exclure de notre vie : nous sommes juste suffisamment indifférents à leur sort pour en faire les victimes de notre régime alimentaire.
Reste qu’il est curieux de constater que les espèces d’animaux dont nous souhaitons faire notre repas constituent finalement des exceptions. Il existe actuellement plus de 5 000 espèces de mammifères et plus de 10 000 espèces d’oiseaux recensées sur la planète. Pourtant, nous n’en avons choisi que quelques-unes pour nous servir de nourriture.
Il y a bien sûr à cela des raisons pratiques : rendement de la viande, facilité de production ou encore docilité de l’animal. Ce n’est pas un hasard si les animaux que l’on élève pour leur viande sont les plus inoffensifs et les moins carnivores. On imagine mal des élevages de lions ou d’ours. Les espèces qu’on a pris la pré- caution de domestiquer sont celles qui ne risquent pas de nous arracher un bras.
Toutefois, ce facteur n’explique pas tout. D’autant que, lorsqu’il s’agit de décider quels animaux il est convenable de manger, personne n’est d’accord ».

La pire des conditions pour un animal non-humain est de faire partie des espèces sauvages. Ils n’ont alors plus aucun droit et leur destin dépend bien souvent de caractéristiques arbitraires telle leur apparence – mignonne ou effrayante – pour nos yeux humains. C’est ainsi que le « mignon » dauphin a la chance inouïe de nous divertir en faisant des acrobaties dans un delphinarium quand le « vilain » requin se voit traqué, privé de son aileron et rejeté par dessus bord pour plonger au fond de l’océan.
« Dans le code civil français, la faune sauvage est considérée comme « res nullius », une chose qui n’appartient à personne et que chacun peut s’approprier. À la différence des animaux domestiques, « êtres doués de sensibilité » sous la responsabilité de leurs propriétaires, les libres créatures de l’en-dehors peuvent être chassées, piégées, blessées, capturées, torturées, tuées. Impunément. » Augustin Langlade – La chasse : une humiliation de notre humanité dans le livre-journal Animal édité par La Relève et La Peste – 2020

Les animaux non-humains ont donc des perspectives peu réjouissantes. Soit ils nous appartiennent et disposent de droits tout en étant captifs, soit ils sont libres, n’ont alors aucun droit et peuvent être traqués et tués. Sans que jamais ne se pose réellement LA question de notre légitimité à décider du sort réservé aux autres habitants de la Terre.

Droit(s) des animaux ? État des lieux !
En introduction de son chapitre Droit des animaux dans le livre-journal Animal édité par La Relève et La Peste, Hélène Thouy cite Milan Kundera : « Le véritable test moral de l’humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu’il échappe à notre regard), ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c’est ici que s’est produite la faillite fondamentale de l’homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent. »
C’est à partir de cette puissante réflexion, que la co-fondatrice de l’association Animal, Justice et Droit explique comment la question animale dépend de notre rapport à l’autre : « Cette citation de Milan Kundera suffit à comprendre les enjeux fondamentaux de la question animale. Longtemps (et encore trop souvent) reléguée au rang des questions subalternes, « moins importantes » et dont se préoccuperaient ceux qui n’auraient pas de considération pour les humains, la question animale est bien au contraire celle que se posent celles et ceux qui ont une pleine et entière préoccupation pour l’autre. Cet autre désigne naturellement l’ensemble des individus, qu’ils soient humains ou animaux, la frontière étanche qui a été arbitrairement posée entre eux ne servant en réalité qu’à justifier l’atrocité du sort que les premiers réservent aux seconds. La capacité et la conscience de la nécessité de se comporter avec moralité et éthique envers cet autre s’apprécient tout particulièrement lorsque nous sommes en situation de totale domination à son égard. Comme l’écrit Milan Kundera, c’est dans nos rapports avec l’autre sous notre entière domination, à notre merci, que peut réellement s’apprécier notre sens moral. À partir du moment où l’humain tient pour acquis et légitime qu’un individu à sa merci lui doit jusqu’à sa vie et son corps, cela engendre inévitablement des conséquences à l’égard des humains en situation de faiblesse et de précarité. »
Cette pertinente démonstration est à rapprocher de l’écologie sociale théorisée par le communiste libertaire et écologiste politique américain, Murray Bookchin. Le diagnostic principal posé par l’écologie sociale est que tous nos problèmes écologiques proviennent en réalité de problèmes sociaux et que l’idée-même de domination de l’humain sur la nature provient de l’idée de la domination de l’humain sur l’humain, générée à travers l’histoire par la domination de l’homme sur la femme, des blancs sur les personnes d’autres couleurs de peau, des riches sur les pauvres, etc.
Si les humains ont déjà du mal à considérer les membres de leur propre espèce en dehors de tout rapport de domination, il n’est alors pas étonnant qu’Homo sapiens traite les autres animaux avec autant de mépris. Ce que confirme Hélène Thouy de manière implacable : « À ce jour, les animaux ne se voient pas reconnaître de droits, puisque d’un point de vue juridique ils ne sont pas des « sujets de droit ». Leur protection réside exclusivement dans les obligations qui sont mises à la charge des humains à leur égard. N’ayant pas voix au chapitre du droit, les animaux voient leurs intérêts les plus fondamentaux systématiquement écartés dès qu’ils entrent en confrontation avec des intérêts humains, pourtant bien plus subsidiaires dans la quasi-totalité des cas. »
En revanche, il est légitime de douter de la faculté du droit à devenir comme elle le souhaite « un levier permettant d’instaurer enfin l’équilibre entre les intérêts des humains et ceux des animaux ». En sommes-nous tout simplement capables. Pour y parvenir, il faudrait commencer par abandonner notre anthropocentrisme pour embrasser un salvateur biocentrisme. Un tel changement de prisme en viendrait forcément à adopter une toute autre conception du droit et de la justice.
À la lecture de la suite de son propos, on peut d’ailleurs se demander si elle y croit réellement elle-même. En effet, elle rappelle l’évolution historique du droit des animaux en France depuis la loi Grammont (1850), la toute première loi de protection animale, tout en restant parfaitement lucide sur sa véritable efficacité :
«
En 2015, une nouvelle étape a été franchie avec la reconnaissance par le Code civil de la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité » des animaux. Cette avancée, qui extrait les animaux de la catégorie des biens, prend toutefois soin de préciser qu’ils demeurent soumis au régime des biens « sous réserve des lois qui les protègent ». Une telle disposition résume assez bien le paradoxe inextricable dans lequel se trouve le droit depuis qu’il accorde une once de protection aux animaux. Pour mesurer l’ampleur de ce paradoxe, il est nécessaire de s’attacher à lire les textes normatifs et les mettre en perspective. En effet, la lecture des textes de protection animale, sans avoir même besoin de voir des vidéos d’élevages sordides, suffit à comprendre à quel point notre société tente d’anéantir le lien qui devrait nous unir aux animaux ».
Pour appuyer encore un peu plus son analyse sur le cruel manque d’impact des lois et règlements, Hélène Thouy évoque la liste des méthodes d’étourdissement utilisées dans les abattoirs et considérées comme garantissant un « bien-être animal » dans le règlement européen 1099/2009 du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux « au moment de leur mise à mort ». Elle prend le soin de mettre cette expression entre guillemets. Nous pourrions parfaitement en faire de même pour le mot protection tant il semble parfaitement incongru de parler de « protection » au moment même de la mise à mort…
« L’extrême application du législateur à détailler avec autant de précision cette méthodologie de mise à mort ne fait qu’accroître sa terrifiante indifférence à la souffrance. Les dérives qui en découlent chez les personnes chargées d’appliquer ces normes n’en sont alors que plus logiques. »
Et dans la foulée, l’avocate au barreau de Bordeaux spécialisée dans la cause animale souligne le caractère purement anecdotique des amendes écopées lors du non-respect des règles de protection animale dans les abattoirs, dans les élevages et les transports. Les sanctions encourues relèvent du régime des contraventions, soit les infractions les plus basses après les délits et les crimes… Et c’est ici que se situe sans doute le vrai problème. Tant que l’abattage d’un animal ne sera pas considéré comme un crime, toutes les lois et règlements resteront inopérants. Hélène Thouy met d’ailleurs parfaitement en exergue la dimension spéciste, hypocrite et honteuse de certains jugements : « Le jugement rendu à propos de l’abattoir de Mauléon doit nous alerter d’un autre point de vue. Alors que la commission de 192 infractions, dont certaines particulièrement graves comme la saignée tardive ou l’absence d’étourdissement, a conduit le tribunal à prononcer une peine totale de 3 980 euros, le délit de tromperie des consommateurs sur les qualités substancielles de la viande vendue en raison de l’utilisation par l’abattoir d’un aiguillo électrique proscrit dans le cahier des charges Label rouge a conduit le tribunal à condamner l’abattoir à une peine de 10 000 euros. En clair, le préjudice du consommateur ayant acheté de la viande Label rouge provenant d’un animal qui a subi l’usage de l’aiguillon électrique (qui sert à administrer sur le corps des animaux des décharges électriques pour les forcer à avancer tout particulièrement vers le box où ils seront « étourdis » selon les méthodes précédemment décrites avant d’être saignés), alors qu’en l’achetant un peu plus cher il pensait consommer une viande « plus éthique », est considéré comme plus important (500 fois plus important si l’on s’en tien au montant des peines prononcées !) que la souffrance subie directement par l’animal qui en a été victime (puisqu’une peine de 20 euros pour chaque mauvais traitement a seulement été prononcée) ».
Hélène Thouy conclut sa brillante démonstration en oscillant entre une belle lucidité et une perspective que l’on pourrait juger quelque peu optimiste : « Que les militantes et militants animalistes partagent ou non le même objectif de parvenir à terme à une société qui n’exploiterait plus les animaux, ils peuvent au moins s’accorder sur le fait qu’un tel changement a peu de chances de se réaliser en un claquement de doigts et que des étapes importantes doivent être franchies. Ces étapes pourraient d’autant plus être franchies que nombre de mesures de protection des animaux apparaissent comme évidentes pour une grande majorité des citoyens. Il en va ainsi de l’inscription dans la Constitution de la protection animale, de la création d’un Ministère de la protection animale, de la fin de l’élevage intensif, de la réduction de la consommation de viande et du développement des alternatives végétales, en particulier dans la restauration collective, de l’interdiction de l’abattage sans étourdissement, de l’interdiction de la chasse et tout spécialement de la chasse à courre, de la fin des élevages d’animaux pour leur fourrure, de la fin du gavage, de l’abolition de la corrida, de la fin des animaux dans les cirques, de la limitation du transport d’animaux vivants, de l’interdiction de l’expérimentation animale en présence de méthodes substitutives, de l’extension des règles de protection aux animaux sauvages, de la protection des poissons, de la gestion non létale des animaux liminaires, de l’interdiction de vente des animaux de compagnie en animalerie et la promotion de l’adoption, de la stérilisation des chats…». Ces différentes mesures sont-elles réellement soutenues par « une grande majorité de citoyens » ? (Hélène Thouy ne cite aucune source). Et quand bien même ce serait le cas, un tel changement a-t-il vraiment une quelconque chance de se réaliser dans notre société actuelle ? L’avocate précise d’ailleurs elle-même que la partie serait encore loin d’être gagnée : « L’instauration d’un statut juridique de l’animal est souvent évoquée comme Graal de la protection des animaux. Pour autant, la pertinence et l’efficacité de cette mesure seront fonction des règles véritablement applicables aux animaux, le contenant ne suffisant pas. Il est indispensable que le contenu puisse s’émanciper des règles qui gouvernent actuellement les animaux, à ce jour toujours assignés, sauf exception, à se voir appliquer les règles relatives aux biens. S’il est une nécessité d’enrichir le droit aux fins de le rendre vraiment protecteur des animaux, cela passe aussi et de plus en plus par la nécessité de protéger activement ceux qui les défendent. ». Et l’avocate n’oublie pas de mentionner la puissance de lobbying des filières de l’élevage et de l’abattage tout comme celle des syndicats agricoles tels la FNSEA – et l’écoute attentive dont ces organisations profitent au sein du gouvernement. Ces organisations sont directement à l’origine de la création de la cellule Déméter au sein de la gendarmerie nationale en 2019. La vocation de cette cellule est de poursuivre les « actions de nature idéologique » correspondant à « de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ». Notre ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner avait alors déclaré : « J’ai demandé que l’antispécisme soit un des axes prioritaires du renseignement ». Ainsi, les membres d’associations de protection des animaux sont logés à la même enseigne – celle d’un danger pour le pouvoir en place – que les militant·e·s écologistes d’ANV-COP21 ayant décroché des portraits présidentiels dans les mairies et surveillés par la cellule anti-terroriste…
« Cette cellule conduit non seulement à exercer des pressions ou des intimidations à l’égard des membres d’associations ou de protection des animaux ou de l’environnement, mais aussi à les dissuader de poursuivre leur mission d’intérêt général d’information du public sur la façon dont les animaux sont traités dans les élevages et les abattoirs. Les effets délétères de cette cellule sur l’exercice des libertés fondamentales, et particulièrement sur la liberté d’expression de laquelle découle la liberté d’informer, se font déjà ressentir. La dissolution de cette cellule conduisant à une confiscation de l’État de droit par un petit groupe de pression doit donc intervenir au plus vite.
[…] Garantir le fonctionnement démocratique de notre société écarterait de fait les pressions de tous ceux qui méprisent les individus à leur merci. Les attentes d’une majorité de citoyens pourraient enfin se concrétiser et donner lieu à des avancées significatives pour les animaux. Cela serait salutaire non seulement pour les animaux, mais aussi pour les êtres humains ».
À ces souhaits légitimement exprimés par Hélène Thouy, je répondrai qu’hélas, la France est bien loin d’être une démocratie (comme nous le verrons plus loin) et que la tendance actuelle est plutôt à une dérive autoritaire du pouvoir en place.
Ce n’est donc qu’en changeant de système que la situation pourra réellement évoluer favorablement !

Reconnaître aux animaux un droit de vivre inaliénable ?
C’est la proposition aussi radicale que singulière que fait Jean-Marc Gancille dans son essai Carnage. Pour en finir avec l’anthropocentrisme : « L’idée de reconnaître des droits aux animaux a fait son chemin pour intégrer progressivement à l’arsenal juridique la nécessité de les protéger contre les violences qu’ils peuvent subir. Mais en pratique, les avancées législatives sont restées dans le domaine du symbolique et ne sont pas parvenues à obtenir des résultats significatifs changeant la donne.
Le droit ne saurait en effet suffire face à l’oppression systématique dont les animaux sont l’objet. On ne règlera pas l’holocauste animal par une énième loi, non appliquée, sur le bien-être dans les abattoirs. Adoucir la maltraitance subie par les animaux ne saurait par ailleurs être une fin en soi. L’accélération de l’extermination des bêtes sauvages, l’intensification de l’abattage des animaux de rente et l’extension de leur captivité exigent désormais des mesures plus fortes et plus radicales qui ne peuvent se satisfaire du statut quo du welfarisme. Reconnaître aux animaux un droit inviolable à la vie est à la hauteur de l’enjeu.
[…] Comme le suggère le philosophe Peter Singer, il devient indispensable de ne plus considérer l’appartenance à une espèce donnée comme un critère pertinent pour juger de la qualité d’une existence et du droit qu’a un individu, humain ou non-humain, à la mener ».
En s’appuyant sur les facultés cognitives et la capacité à éprouver de la souffrance des animaux non-humains, Jean-Marc Gancille estime que tous les êtres sentients – tant les animaux humains que les non-humains – ont « une légitimité équivalente à exister sur cette planète et un droit semblable à la vie en tant qu’individus ».
Audacieux dans sa radicalité, l’animaliste très engagé n’en reste pas moins lucide : « Ce qui paraît aujourd’hui comme une évidence aux yeux des antispécistes heurte encore une immense majorité de leurs contemporains. Tendre vers des relations moins injustes avec les animaux, leur permettre de vivre une existence pleine et entière libérée de l’assujettissement et renoncer à les mettre à mort constitue en effet une proposition qu’il est encore difficile pour la plupart de concevoir tant elle marque une rupture totale avec l’anthropocentrisme multiséculaire. Elle devient pourtant indispensable. L’exercice de projeter une relation plus symétrique avec les animaux qui ne soit plus fondée sur une logique de subordination de maître à esclave, de gestionnaire à ressource, de tuteur à mineur, de sujet à objet, bouscule nos imaginaires. Elle est le plus souvent accueillie avec scepticisme quand ce n’est pas avec une franche hostilité. Comme c’est encore le cas avec le sexisme ou le racisme, partager l’espace politique, économique, social, culturel avec celles et ceux qu’on a naguère inféodés ne va pas de soi. A fortiori dans des sociétés autoritaires et patriarcales ».
Si, comme l’écrit Jean-Marc Gancille, la sortie de notre relation de subordination, de tout rapport de domination, quel qu’il soit – et a fortiori des humains sur les non humains – semble aussi légitime qu’indispensable, que penser de son enthousiasme à l’égard de cette philosophie d’« une relation plus symétrique » qui pourrait permettre aux animaux non-humains d’intégrer la vie de la cité comme le proposent Sue Donaldson et Will Kymlicka dans leur ouvrage Zoopolis ? Si l’humain est bien un animal comme un autre, convient-il de se réjouir comme l’auteur de Carnage, de faire de l’animal « un homme comme les autres, et donc titulaire légitime des droits que l’homme a d’abord conçus pour lui-même » ? Cette approche politique de notre relation aux non humains me semble justement relever d’un anthropocentrisme que Jean-Marc Gancille dénonce par ailleurs. Comment des droits conçus par les humains – oups… par les hommes – pour les humains – re-oups… pour les hommes avant que les femmes ne puissent y goûter sur le tard – pourraient-ils être adaptés aux non humains ? Et pourquoi ces derniers devraient-ils dépendre d’une construction intellectuelle qui nous est propre et que nous leur imposerions ?
Attribuer aux animaux non-humains des droits semble légitime et logique dans notre actuelle conception du monde et notre rapport aux autres. Cependant, une nouvelle fois, non seulement elle ne va pas de soi pour la grande majorité, mais en plus elle dénote toujours de ce prisme anthropocentré qui biaise notre raison et notre réflexion. Seul un changement radical de prisme dans un monde nouveau peut réellement changer la donne.

Réensauvager et sanctuariser
Alors que les animaux d’élevage sont toujours plus nombreux pour nous alimenter, les populations d’animaux sauvages se réduisent à une vitesse affolante. Ainsi, aujourd’hui la biomasse des animaux vertébrés terrestres se répartit de la manière suivante : 36% d’humains, 60% d’animaux de bétail pour seulement… 4% d’animaux sauvages ! Si bien que notre rapport aux animaux non-humains semble se limiter à deux issues fatales : les manger ou les exterminer jusqu’au dernier.
« Il nous faut stopper d’urgence cette tendance. La plupart des animaux sauvages restants ont désormais un intérêt vital à être protégés de l’expansion humaine et de la destruction écologique. Il devient impératif que nous fixions des limites à l’expansion des activités humaines pour mettre un terme à ce désastre qui menace notre survie même ainsi que celle de la plupart des êtres vivants sur cette planète. Réensauvager le monde en sanctuarisant une part significative des terres de la planète pour la faune sauvage doit constituer un objectif prioritaire. L’enjeu est de libérer un maximum d’espaces autrefois gérés par l’homme en y limitant considérablement les installations et l’activité humaine afin d’y laisser la faune et la flore évoluer sans entrave. Seules les réserves biologiques intégrales des parcs nationaux, qui éliminent toutes les activités dérangeantes comme la chasse, l’exploitation forestière et l’agriculture, permettent aux animaux de revenir et de se développer en harmonie avec leur milieu. » Jean-Marc Gancille – Carnage. Pour en finir avec l’anthropocentrisme – Rue de l’échiquier – 2020.

Réensauvager notre planète est en effet plus qu’une nécessité, il en va clairement de notre responsabilité. La sanctuarisation représente une véritable opportunité de permettre au sauvage de reprendre toute sa place. Cependant, faut-il pour autant réserver la moitié de la Terre aux espèces sauvages comme le préconise le biologiste et naturaliste Edward O. Wilson en 2016 dans son ouvrage Half-Earth. Our Planet’s Fight for Life ?
« Ce n’est qu’en réservant la moitié de la surface de la planète à la nature que nous pouvons espérer sauver l’immensité des formes de vie qui la composent. À moins que l’humanité en apprenne beaucoup plus sur la biodiversité globale et agisse rapidement pour la protéger, nous perdrons bientôt la plupart des espèces qui composent la vie sur Terre. Ma proposition de sauvegarder une demi-Terre n’est qu’une première solution d’urgence, proportionnelle à l’ampleur du problème. En gardant la moitié de la planète en réserve, nous pourrions sauver la partie vivante de l’environnement et atteindre la stabilisation nécessaire à notre propre survie. » Edward O. Wilson – A Biologist’s Manifesto for Preserving Life on EarthSierra Magazine – 12 décembre 2016
Pour qu’elle soit atteignable, cette louable ambition nécessite une nouvelle fois, un changement complet du comportement humain. Une telle opération se transformerait inévitablement en un échec cuisant dans deux cas de figure qui pourraient bien, au vu de la nature humaine, rapidement s’additionner. La première condition de succès est le respect absolu du caractère vierge – de toute présence et activité humaine – de la demi-planète sanctuarisée. La seconde condition tout aussi capitale est l’interruption définitive sur la demi-planète habitée par des humains de nos activités toxiques, délétères et mortifères. La triple dimension extractiviste, productiviste et consumériste de notre civilisation actuelle serait totalement incompatible avec un tel projet. Car, ces activités s’accompagnent systématiquement de la production de déchets et d’une pollution globale – sols, eaux, air – directement à l’origine des catastrophes actuelles que sont entre autres l’acidification-eutrophisation-asphixie des mers et océans et forcément le réchauffement climatique… Même en séparant la Terre en deux, notre maison n’en demeure pas moins une seule et même – toute petite – planète. Tout comme Jean-Marc Gancille ou encore Pablo Servigne et Raphaël Stevens qui s’y réfèrent également dans le livre-journal Vivant édité par La Relève et La Peste, à première vue cette utopie semble formidablement séduisante.
« La nature n’a jamais eu besoin des humains. En revanche, les humains ont cruellement besoin d’écosystèmes en bonne santé pour survivre. La nature reprend ses droits lorsqu’on la laisse tranquille et qu’on lui donne un peu de temps. » Jean-Marc Gancille – Carnage. Pour en finir avec l’anthroopocentrisme – Rue de l’échiquier – 2020

Reste à savoir comment se ferait concrètement la répartition, la division des territoires en deux. Des continents entiers sanctuarisés et d’autres habités par les membres de notre espèce ou des aires sanctuarisées directement voisines d’aires qui ne le seraient pas ? Dans le premier cas de figure le risque serait grand que la répartition tourne à l’arbitraire et donc au détriment des non humains. Et dans le second, a priori plus compatible avec le respect de la biodiversité et des écosystèmes, la protection des aires sanctuarisées serait bien plus délicate. Le réchauffement climatique et les territoires les plus impactés (sécheresse, canicules, stress hydrique, chaleur humide…) devraient également nécessairement être pris en compte.
Comment « diviser » les territoires océaniques absolument cruciaux pour préserver les conditions d’habitabilité de la Terre ? Quel comportement conviendrait-il d’adopter sur « notre demi-planète » à l’égard des animaux habitués à vivre avec nous (actuels animaux domestiques et animaux liminaires*) et des animaux sauvages qui vivraient sur « nos aires » (insectes, poissons, batraciens, oiseaux…). Bref de très nombreuses questions se posent.

La seule manière pour que notre cohabitation soit possible n’est-elle pas qu’elle se fasse de manière équilibrée comme elle se fait déjà tout naturellement entre les différentes espèces ? Seule une profonde révolution psychologique chez Homo sapiens peut nous permettre d’y parvenir. En sommes-nous vraiment complètement incapables ? À nous de prouver le contraire !

La Déclaration des Devoirs des humains envers le Vivant !

D’un côté, les textes octroyant des droits de protection à la Terre et à ses composantes relèvent encore aujourd’hui de l’anecdote tant ils sont peu nombreux et souvent cantonnées à certaines régions du globe. En outre, leur caractère est souvent symbolique et leur application rigoureuse apparaît pour le moins ardue dans une civilisation thermo-industrielle mondiale si destructrice.
De l’autre, l’ambition des lois censées protéger les animaux d’élevage lors de leur incarcération ou de leur exécution est fort réduite. La puissance industrielle de nos activités agricoles et économico-financières au sein du Système dominant actuel ne laisse que très peu de place à ce type de considérations qui relèvent à ses yeux tout au plus de la mièvre sensiblerie. Sans oublier que la défense de tels droits – et la protection associée des êtres concernés – incombe à des humains face à d’autres humains. Prisonniers·ères de notre anthropocentrisme, nous restons donc dans une logique très hiérarchique de gestion du Vivant selon nos propres règles qui s’imposent à nous comme aux autres, sans que ces autres aient voix au chapitre. Pour qu’une telle approche soit légitime, il conviendrait que les lois soient co-écrites par les différents membres de la grande famille du Vivant et que le respect de leur application soit supervisé par des entités mixtes. Mais, ici encore, une telle aspiration, aussi vertueuse puisse-t-elle paraître, est victime de notre appréhension du monde. Car, avant même qu’Homo sapiens ne s’attribue de façon bien arbitraire des droits, le Vivant a toujours été « régi » par des lois « naturelles » qui lui appartiennent.

Aussi, dans le cadre d’un changement De système avec l’avènement d’une nouvelle société et d’un nouveau rapport à l’autre, au monde et aux autres êtres, la déconstruction de nos « réalités imaginaires » les plus profondément ancrées pourrait nous conduire à nous imposer des devoirs envers le Vivant. Il s’agirait en quelque sorte d’obligations morales primant sur l’ensemble des Droits humains.
Nous pourrions donc rêver d’un texte puissant qui pourrait figurer dans toute
« constitution » ou texte fondateur, avant même les Droits humains, et dont la valeur serait supérieure à celle de tous les autres textes.
Depuis début 2018, je réfléchis à une telle déclaration qui serait a priori une première. Et je me plais à rêver de voir un texte similaire reconnu et réellement appliqué dans un futur proche à l’échelle de biorégions – un lieu de vie gouverné par le Vivant – et forcément un jour sur l’ensemble de la Terre.


Voici ma proposition :


« Nous, humains, nous reconnaissons humblement nous être trompés. Une croissance infinie dans un monde aux ressources finies n’est ni possible, ni soutenable, ni respectueuse des autres formes de vie. La Terre et ses précieuses ressources ne nous appartiennent pas, elles appartiennent à l’ensemble des membres de la grande famille du Vivant.

Nous, humains, nous sommes des animaux comme les autres. Nous, humains, nous n’avons pas plus de droits que les non humains et nous ne sommes en aucun cas supérieurs à eux. Nous n’avons pas le droit de décider de la durée de leur vie, ni du moment de leur mort.
Nous, humains, nous n’avons aucun droit de propriété sur les non humains. Nous n’avons pas le droit de les exploiter, ni pour les manger, ni pour expérimenter des traitements thérapeutiques, ni pour les donner en spectacle, ni pour faire commerce de leur vie ou de l’une de leurs caractéristiques physiques, ni pour les massacrer. Nous, humains, nous avons le devoir de respecter leur vie et de leur rendre leur liberté. Oui, plus que des droits, nous, humains, nous avons des devoirs envers le Vivant, notamment celui de lui rendre autant que possible toute la place que nous lui avons abusivement prise.

Article 1. La préservation de toute forme de vie prime sur toute autre considération, politique, économique ou financière. Le Respect Absolu du Vivant (RAV) remplace le Produit Intérieur Brut (PIB) comme indicateur de référence de toute décision humaine.

Article 2. Chaque humain a le devoir impérieux de respecter l’ensemble du Vivant, végétal et animal.

Article 3. Chaque humain a le devoir de participer à la régénération de la biodiversité végétale et animale, notamment en réparant les habitats naturels détruits, en réintroduisant des espèces animales et végétales dans leur milieu naturel d’origine, en reboisant là où c’est nécessaire, en réensauvageant, et en préservant les écosystèmes existants.

Article 4. Chaque humain a le devoir de contribuer le plus activement possible au nettoyage de tous les milieux naturels pollués et à la régénération de tous les écosystèmes dégradés.

Article 5. Chaque humain a le devoir de laisser dans les sols les ressources non renouvelables et de ne pas utiliser plus de ressources renouvelables que la Terre ne peut lui offrir annuellement, tout en tendant vers la frugalité et le minimalisme.

Article 6. Chaque humain a le devoir de n’utiliser l’eau potable que pour ses apports physiologiques quotidiens et pour la cuisine. Pour toutes les autres activités, il doit utiliser l’eau de pluie ou de l’eau grise traitée par phyto-épuration.

Article 7. Chaque humain a le devoir de réduire son empreinte écologique au strict minimum.

Cette proposition est clairement imparfaite et mérite d’être challengée. Elle aurait encore plus d’impact si elle était co-construite afin de profiter pleinement de l’incroyable puissance de l’intelligence collective.
Afin d’éviter qu’une telle déclaration n’ait qu’une portée purement symbolique, elle devrait occuper le tout premier rang des normes et avoir une valeur supérieure à celle de la constitution ou du texte fondateur du territoire qui l’adopterait, et à terme s’imposer naturellement à l’ensemble des humains. »

Et si nous arrêtions de manger des animaux… pour préserver la vie sur Terre et donc la nôtre !

Impossible ? Nombreux·euses sont celles et ceux qui réagissent spontanément : « c’est trop bon une bonne côte de bœuf ou un plateau de sushis !!! ».
Et pourtant, il semble difficile de contredire cette lumineuse citation de Matthieu Ricard : « La souffrance d’un animal est plus importante que le goût d’un aliment ».
Parmi les « petits » gestes que chacun·e d’entre nous peut adopter – davantage pour être aligné·e avec ses valeurs que pour sauver quoi que ce soit – le passage à un régime alimentaire végétarien ou – encore mieux et encore plus efficace – vegan est sans doute le plus impactant.

 

Les trois bonnes raisons de devenir vegan !

Ce point de vue est celui de l’auteur de cette Fiche Pédagogique, Jean-Christophe Anna.


Raison n°1 : Prendre soin de votre propre santé

En effet, ne plus manger d’animaux terrestres vous permettra d’éviter de nombreuses maladies (cancer du côlon, maladies cardio-vasculaires, obésité ou diabète de type 2) et d’allonger votre espérance de vie. Si vous ne le saviez pas, notre espèce a beau être omnivore (nous pouvons manger de tout), nous ne sommes pas pour autant des carnivores ! Autrement dit, pouvoir manger de la « viande » et du « poisson », ne signifie pas être obligé·e d’en manger.

D’ailleurs, nos cousins les grands singes (gorilles, orang-outangs, chimpanzés) sont végétariens. Seuls les chimpanzés peuvent, lorsque leur alimentation principale (fruits, feuilles, bourgeons, graines, fleurs, écorce, résine) n’est plus suffisante, compléter leur régime avec des insectes, des oiseaux, des oeufs d’oiseaux, du miel, de la terre ou de petits mammifères. Les gorilles et les orang-outangs ne mangent pas d’animaux !!!
C’est parce que notre appareil digestif est plus proche de celui d’un herbivore, d’un ruminant (comme la vache) que de celui d’un fauve (comme le lion ou le tigre), que nous digérons si mal la « viande » que nous mangeons (surtout au dîner).

Raison n°2 : Préserver la Vie sur Terre

Et oui… comme le présente brillamment le film Cowspiracy, la principale cause de nos problèmes les plus graves, de nos destructions les plus profondes – émission de Gaz à Effet de Serre, réchauffement climatique, extinction des espèces, déforestation, dégradation des sols, acidification des océans et création de zones mortes, épuisement des ressources en eau… – est notre consommation abusive de « viande » !!!

Raison n°3 : Épargner de nombreuses vies animales

65 milliards d’animaux terrestres ! C’est le nombre d’êtres vivants tués chaque année pour notre seule consommation. Et si l’on ajoute les poissons, c’est 1 000 milliards d’animaux exterminés pour finir dans nos assiettes !
Si ce n’est pas votre premier moteur (ce fut le mien), je vous invite à regarder la conférence Le discours le plus important de votre vie de Gary Yourofsky. Elle pourrait bel et bien changer votre vie comme elle a changé la mienne. Cette vidéo fut l’un des déclics qui m’amena à devenir végétarien en 2017.

Ce message n’a aucunement pour ambition de vous convaincre de modifier votre régime alimentaire. Mais… je vous invite tout de même à méditer calmement sur ces quelques questions troublantes, dérangeantes, si l’on considère qu’il est tout à fait naturel pour les humains de manger des animaux :

  • Pour quelle raison ne les chassent-ils pas à mains nues comme tous les carnassiers ?
  • Pourquoi ne dévorent-ils pas leurs proies – encore vivantes – à pleines dents comme tous les autres carnivores ?
  • Pourquoi ne les mangent-ils pas crues, sans le moindre assaisonnement ?
  • Pourquoi les mangeurs·euses de « viande » refusent de parler des conditions de mise à mort, d’assassinat morbide dans les abattoirs, lorsqu’ils·elles dégustent leur entrecôte saignante ?

Personnellement, j’ai commencé par arrêter de manger des animaux terrestres en février 2017. Puis, les animaux marins en août 2017. Je ne sais comment l’expliquer, mais quasi immédiatement, je n’ai plus vu de la « viande » ou du « poisson » dans les assiettes de mes proches ou de mes voisin·e·s au restaurant, mais des morceaux d’animaux…
Et c’est sans doute là l’une des explications aux questions que je viens de vous soumettre : la décorrélation cognitive entre l’animal et l’aliment dans l’assiette. Il en serait assurément autrement si les humains mangeurs de « viande » devaient tuer eux-mêmes l’animal avant de le dévorer. Connaissez-vous La Casa de Carne ? Dans ce court-métrage coup de poing, les client·e·s du restaurant sont invité·e·s à enfiler un tablier avant d’entrer dans une chambre froide un couteau à la main pour y tuer l’animal vivant dont ils·elles souhaitent manger un morceau… Visionnez-la, ça secoue bien comme il faut !

J’avoue que lorsque je suis devenu végétarien, je ne savais pas trop si j’allais m’arrêter là ou si j’allais poursuivre mon cheminement jusqu’au régime végétalien, voire jusqu’au véganisme. Après tout, si arrêter de manger des animaux semble légitime lorsque l’on se soucie de la vie des non-humains, quel mal peut-il bien y avoir à manger un bon fromage ?

C’est un nouveau visionnage de la conférence de Gary Yourofsky qui me fit basculer quelques mois plus tard. En effet, après avoir expliqué ce qui nous différencie des carnivores, il aborde la délicate question des produits laitiers auxquels nous sommes si attaché·e·s. Je n’ai pas honte de le reconnaître, d’avouer ma coupable naïveté aussi surprenante puisse-t-elle être : grand amateur de yaourts et surtout de mozzarella et de burrata, je pensais que le lait, le beurre et le fromage provenaient de l’excédent de lait produit par les vaches, une fois leurs veaux repus. Cette vidéo m’a permis de découvrir la dimension profondément cruelle – pour ne pas dire criminelle – de la production laitière.
Évidemment, je n’ignorais pas que de nombreux petits passaient par la case abattoir, mais j’ignorais que le principe pour produire du lait en grande quantité était d’une simplicité qui n’a d’égale que son indéfendable cruauté. J’imagine aisément que votre naïveté n’est pas aussi grande que la mienne, mais dans le doute je préfère rappeler ici de manière crue l’infâme protocole : insémination artificielle de la vache, accouchement, vol du petit à sa mère au bout de quelques heures à peine et envoi du veau à l’abattoir, substitution du lait destiné au petit pour émoustiller les papilles humaines et nous apporter ce calcium si précieux pour notre santé – « les produits laitiers sont nos amis pour la vie ! » -, ré-insémination artificielle de la vache, accouchement, nouvelle séparation et nouveau crime… ce manège infernal dure 5 à 6 ans et s’interrompt avec le passage de la vache à l’abattoir une fois qu’elle ne peut plus donner de lait car il serait dommage de lui permettre de finir sa vie autrement.
Dans sa conférence, Gary Yourofsky évoque le cri déchirant que pousse la mère lorsqu’on lui prend son petit… heureusement qu’elle ignore où il est emmené. Figurez-vous que quelques jours après ce second visionnage, alors que je passais le WE dans le Perche dans la maison de ma belle-famille, je fus réveillé en pleine nuit par ce fameux cri – la douleur inouïe qu’il transmet est glaçante -, celui d’une vache de la ferme d’à côté, à qui l’on venait de retirer son bébé. Je ne l’oublierai jamais. Continuer à consommer des produits laitiers n’était plus concevable pour moi. Je compris alors pourquoi le célèbre militant américain considère que consommer du lait est encore pire que consommer de la « viande ».

Ici aussi, j’aimerais vous bousculer un peu dans vos croyances :

  • Imaginez deux secondes une femme venant d’accoucher privée de son bébé afin de destiner le lait dont ses seins sont gorgés à l’alimentation de petits et de grands pandas, kangourous ou loups.
  • Imaginez deux secondes que le petit humain soit envoyé dans un camp d’extermination pour être exécuté dans d’ignobles conditions, puis découpé en morceaux afin d’alimenter des lions, des requins et des alligators.
  • Imaginez deux secondes qu’une fois la source de la production laitière tarie, la mère soit inséminée artificiellement pour retomber enceinte afin de renouveler l’opération…

Cela ne vous semblerait-il pas étrange pour ne pas dire horrible ? Quelle est la vocation première du lait d’une maman ? Sa précieuse composition est-elle programmée pour nourrir d’autres espèces ? La vie d’une maman doit-elle être réduite au plaisir gustatif d’autres animaux que ses propres enfants ?

Voici quelques uns des livres que je vous invite à lire d’urgence afin de changer votre regard sur nos sœurs et nos frères du règne animal.
Un grand merci à Jean-Marc Gancille et à La Relève et La Peste ! Gratitude.

« Tu ne manges plus de viande ? Rassure-moi, tu manges toujours du poisson ? Non ? Aïe… mon/ma pauvre ! »
Voici le type de réactions spontanées déclenchées lorsque vous annoncez à quelqu’un que vous avez changé votre régime alimentaire. Une telle décision est un choix volontaire, non un sacrifice subi. Croyez-moi, l’alimentation végétarienne ou vegan est mille fois plus riche que l’alimentation la plus répandue pour la simple et bonne raison que nous diversifions bien d’avantage nos aliments d’origine végétale, cette partie qui ne représente trop souvent que l’accompagnement à côté du morceau d’animal… les haricots, la purée, la feuille de salade ou les frites. Si trouver un plat végétarien sur la carte d’un restaurant est encore trop rare, y voir un plat vegan relève tout simplement du miracle. J’en profite pour rappeler à nos ami·e·s cuistots que les végétariens peuvent manger vegan et non l’inverse ! Dans le pays de la « grande » cuisine, la tâche pour changer les mentalités est absolument colossale !
Savez-vous quelle proportion de Français·e·s est végétarienne ou vegan ? 1,1% seulement (selon une étude de l’Ifop menée en 2021) !!! Le végétarisme est pratiqué par 8% des Allemands, 10% des Anglais et des Italiens et jusqu’à 20 à 30% de la population en Inde (Hindouisme) où certaines villes vont jusqu’à prohiber la vente/consommation de « viande » et la présence d’abattoirs sur leur sol et leur périphérie. L’Europe est à la traîne par rapport à l’Asie où la Malaisie et l’Indonésie sont des exemples. Une nouvelle fois, Matthieu Ricard a le sens de la formule juste et importante :
« Il m’est arrivé de demander à une assemblée : « Êtes-vous en faveur de la justice et de la morale ? » Tout le monde a levé la main. J’ai demandé ensuite : « Est-il juste et moral d’infliger des souffrances non nécessaires à des êtres sensibles ? » Personne n’a levé la main. En vérité, aucun argument moral ne permet de justifier nos comportements à l’égard des animaux. »

Changer nos habitudes alimentaires n’est pas évident, la culture et les traditions sont tenaces.
Sans parler du conditionnement sociétal allègrement alimenté – c’est le cas de le dire – par le marketing et les slogans publicitaires des industriels, syndicats professionnels et autres lobbys…

« Les produits laitiers sont nos amis pour la vie ! »
« Les produits laitiers ne sont pas faits pour nous. Préservons la vie des vaches ! » (1)

« Le bœuf, le goût d’être ensemble. »

« Pour passer un bon moment ensemble, nous n’avons pas besoin de tuer des animaux. »

« Petit Navire. La mer vous inspire ! »
« Énormes thoniers, nous vidons les océans ! »

 

1. Le lait d’une vache est exclusivement destiné à ses petits, les veaux. Il est bien trop riche pour les humains.

2,2% des Français·e·s ne mangent pas de viande… et seulement 0,3% sont végétalien·e·s (200 000 personnes) selon une étude de l’Ifop en 2021.
Les vegans ne représentent que 0,13% (90 000 personnes) selon l’étude INCA 3 (Étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires) réalisée par l’Anses en 2017 !!!

Comment répondre aux arguments anti-vegan ?

Un article sourcé de Planète Vegan.

7 contre-attaques pour les fêtes !

Un excellent article de Mr Mondialisation.

176 stars vegan !

Qu’ont en commun les Beattles et les Red Hot Chili Peppers, Nathalie Portman et Michelle Pfeiffer, Joaquin Phoenix et Brad Pitt ?

50 célébrités végétariennes

De Leonard de Vinci à Leonardo di Caprio, de Mahatma Gandhi à Bill Clinton, d’Albert Einstein à Steve Jobs…

Ces deux visuels sont issus du Dossier pédagogique Nourrir l’humanité. Enjeux et alternatives pour l’agriculture, une initiative L214.

Infographies réalisées par l’iglou. Pour découvrir le formidable travail de ce site de vulgarisation scientifique, cliquez ici !

Exploitation et barbarie envers les non humains…
de la chasse à l’expérimentation animale, renseignez-vous pour tout savoir et mieux comprendre.

Les humains considèrent les non humains comme des êtres – ou plutôt des choses – à leur disposition pour assouvir leurs petits plaisirs – alimentaires (« viande » et « poisson », produits laitiers, oeufs, miel) ou vestimentaires -, pimenter leurs loisirs (chasse, pêche), se divertir (cirque, delphinarium, zoo et aquarium, corrida) ou trouver de nouveaux traitements médicaux (expérimentation animale).
Vous trouverez ci-dessous – à portée de clic(s) – toutes les infos utiles rendues accessibles par les ONG les plus engagées.

 

Élevage

Les enquêtes de L214

Expérimentation animale

Les informations de One Voice

Mode

Les informations de One Voice

Chasse

Les informations de One Voice

Corrida

Les informations de One Voice

Cirques et Delphinariums

Les informations de One Voice

Pêche

Les informations de Bloom

Maltraitance (domestique)

Les informations de One Voice

Massacre (Faune sauvage)

Les informations de One Voice

Les livres incontournables

Vivant

Collectif

La Relève et La Peste – 2020

Carnage

Jean-Marc Gancille

Rue de l’échiquier – 2020

Écrivons ensemble un nouveau…

Jean-Christophe Anna

L’Archipel du Vivant – 2021

Animal

Collectif

La Relève et La Peste – 2020

Les vidéos à voir absolument !

Le discours le plus important de votre vie – Gary Yourofsky

TheAnimalHolocaust – 1er août 2011

La boucherie éthique

Les Parasites – 10 mai 2017

Pour aller plus loin…

D’autres fiches pédagogiques susceptibles de vous intéresser !

Biocentrisme

Vivant

Penser le vivant

Biorégionalisme

D’autres ressources utiles pour poursuivre la réflexion et passer à l’action.

Annuaires

Écovillages, villages engagés vers l’autonomie, ZAD, fermes bio, ressourceries, monnaies alternatives…

Médiathèque

Livres, guides pratiques, magazines, médias online, documentaires, films, chaines YouTube, podcasts, séries…

Kits Pratiques

Résilience alimentaire, sobriété énergétique, purification de l’eau, low-tech, stocks, plantes médicinales, secourisme…

Formations

Permaculture, botanique, art de vie sauvage, orientation, construction naturelle, communication bienveillante…

Vous souhaitez contribuer ?

Merci pour votre aide !

Une remarque, un complément d'information que vous jugez utile pour enrichir ce contenu ?
Nous sommes à votre écoute !