La manière dont nous habitons la Terre est mortifère, suicidaire, écocidaire.
Notre civilisation thermo-industrielle est une grande entreprise collective de destruction massive du Vivant.
De plus en plus autoritaire, circonscrit par des limites totalement arbitraires que nous nommons frontières, l’État-nation est la colonne vertébrale du Système actuel. La finance est le cerveau de ce monde délétère, la croissance économique son sang. Construction purement intellectuelle, l’État-nation est l’incarnation de la puissance, du pouvoir, de la domination, de la compétition, de la propriété, de la protection… bref, de la méga machine d’annihilation de la vie sur Terre.
Minérale et artificielle, bétonnée et asphaltée, la ville – a fortiori la métropole – est le cœur-même du monstre, le principal moteur de la grave altération des conditions d’habitabilité de notre planète. Épicentres de l’extractivisme et du productivisme, temples de l’hyper-consommation, sources de déchets innombrables et de pollutions multiples, nos lieux de vie urbains et métropolitains – totalement hors-sol – nous ont complètement coupé·e·s de nos racines animales. Leur développement sans fin est directement à l’origine de la destruction des habitats naturels et donc de l’anéantissement des autres habitants de notre maison.
Si la révolution industrielle nous a fait basculer dans l’Anthropocène, c’est une autre révolution – l’agricole – qui est directement à l’origine de notre déracinement artificiel. Chasseur-cueilleur, Homo sapiens évoluait – en mobilité permanente – au milieu de la forêt ou de la jungle, de la toundra ou de la savane. Faisant partie intégrante du « Grand Tout », il vénérait des esprits dans la conscience de son interdépendance profonde et sacrée avec les autres membres de la grande famille du Vivant. Loin de nous ancrer, notre sédentarisation il y a 12 000 ans fut le début de notre éloignement, de notre égarement. La domestication du Vivant – tant végétale qu’animale – et la naissance des villes signèrent une évolution capitale de nos croyances où les dieux remplacèrent les esprits. Nos ancêtres en profitèrent pour quitter le règne animal afin d’occuper une place intermédiaire entre les dieux situés « au-dessus », dans le royaume des cieux, et les animaux situés « en dessous » sur Terre. En se considérant comme supérieur·e·s aux autres animaux, ils pouvaient alors librement les élever, les asservir, les exterminer sans aucun scrupule, ni remord. Déraciné·e·s de la Terre, Homo Sapiens commença à l’exploiter comme un gisement illimité de ressources. C’est en délaissant le sauvage sacré de notre si belle maison que nous sommes devenu·e·s de sacré·e·s sauvages capables d’en détruire les fondations.
Shooté·e·s à la frénésie de la croissance infinie, aveuglé·e·s dans notre petit confort de vie, hyper-connecté·e·s à l’artifice virtuel de la méga machine et complètement déconnecté·e·s de tout ancrage réel dans le Vivant, nous sommes anesthésié·e·s, hypnotisé·e·s, endormi·e·s. Le puissant conditionnement dont nous sommes victimes nous a privé·e·s de toute lucidité. Nous croyons toujours au Père Noël, à cette personne providentielle qui, en gagnant une élection présidentielle, changerait d’un coup de baguette magique le Système vicié de toutes parts et cruellement vicieux en un modèle libéré de toutes entraves et formidablement vertueux. Énergies propres, croissance verte, développement durable, neutralité carbone… les oxymores les plus ahurissants nous font fantasmer.
Comment pourrions-nous donc tout changer en ne changeant rien ? Comment pourrions-nous donc préserver les conditions d’habitabilité de notre planète et sauver la vie sur Terre en conservant le même monstre et ses principaux organes délétères – les multinationales, l’État-nation, les grandes villes et les métropoles, la croissance ? Comment pourrions-nous donc inventer une société nouvelle en l’inscrivant dans le même cadre rigide et non soutenable de notre monde actuel, si anthropocentré, si éloigné du Vivant ?
Émancipons-nous de l’État-nation, désurbanisons-nous, démétropolisons-nous, décolonisons nos esprits, déconditionnons nos modes de pensée, déconstruisons nos croyances limitantes, débranchons-nous de ce Système toxique ! Il est temps de retrouver notre animalité, de nous ré-ancrer, de nous ré-enraciner, de nous re-connecter à la grande toile du Vivant, d’habiter la Terre différemment, de la réhabiter (1) !
Miracle de l’évolution, la révolution cognitive nous a permis de croire en des réalités imaginaires. Tournant majeur, la révolution agricole nous a paradoxalement déraciné·e·s. Dans sa fulgurante accélération, la révolution industrielle nous a décervelé·e·s. Seule une nouvelle révolution – la première au service du Vivant – peut nous permettre de réparer, de nettoyer, de dépolluer, de reboiser, de revitaliser, de ré-ensauvager les écosystèmes ! Oublions cette fausse transition qui tente en vain de changer le Système actuel. Embrassons une audacieuse révolution en créant un nouveau système, une toute nouvelle société, prenant soin du Vivant, libérée de tout rapport de domination et réellement démocratique !
Notre monde est anthropocentré, spéciste, nationaliste et capitaliste. Biocentré, antispéciste, antinationaliste et anticapitaliste, le biorégionalisme est l’antidote parfait au poison de notre société. Territoire à l’harmonie biotique, écosystémique et hydrographique, la biorégion est un lieu de vie « plus qu’humain » (2), « partagé et cohabité » (3). C’est aussi un puissant récit collectif, un imaginaire, inspirant, une philosophe de vie, une « opportunité à construire » (4), un « futur désirable à inventer » (5) !
Faisant voler en éclats les frontières artificielles de l’État-nation et les différents rapports de domination, la biorégion est bio… centrée ! C’est en adoptant un nouveau prisme, en retrouvant notre juste place au sein de la grande famille du Vivant, celle d’une espèce animale parmi tant d’autres – en aucun cas supérieure – que nous pourrons réellement respecter les autres habitants de la Terre, les protéger et par la même occasion – peut-être – nous sauver. Aux antipodes de la logique verticale et oligarchique de l’État-nation, la biorégion ne peux être pensée, imaginée et matérialisée que par ses habitant·e·s. Voilà une formidable opportunité de toucher du doigt la véritable démocratie !
L’effondrement inéluctable de notre civilisation précipitera la mort des États-nation et entraînera un exode urbain massif. Anticipons, écrivons ensemble un nouveau récit, créons ces biorégions pour nous préparer aux risques systémiques et sauver la vie !
(1) : Peter Berg et Raymon Dasmann, Reinhabiting California (Réhabiter la Californie), article fondateur du Biorégionalisme publié dans sa version la plus aboutie dans le livre Reinhabiting a separate country : A bioregional anthology of Northern California – Planet Drum Foundation, 1978
(2), (3), (4) et (5) : Mathias Rollot – Qu’est-ce qu’une biorégion ? – Wildproject, 2021
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Pour aller plus loin, voici quelques liens utiles à découvrir sur notre site ressources :
- Notre Fiche pédagogique Biorégionalisme
- Notre Fiche pédagogique Vivant
- Effondrement : 50 ans que nous savons… 50 ans que nous accelerons dans la mauvaise direction
- La crise écologique se réduit-elle au seul climat ?
- Écologistes, comment notre manque de lucidité fait le jeu du Système dominant !
- Le climat ou la vie ? La mort ou la vie !
- Sauver qui ? Sauver quoi ? Le vivant, pas le climat !
Bonjour,
J’ai lu avec intérêt cet article et je partage la plupart des points. Deux remarques, plutôt pour soulever le débat que pour contredire.
1) Les villes sont aujourd’hui plus efficaces en terme de besoins énergétiques que la campagne ou l’étalement urbain. Quittez les villes c’est forcément engendrer de l’habitat diffus, plus énergivore (bien que l’on puisse fortement réduire l’empreinte de l’habitat en changeant les batiments et en réduisant nos besoins). En tout cas le « retour à la campagne » des urbains (qui représentent maintenant 80% de la population en Occident) aurait des conséquences très difficilement gérable.
2) Le fait de se recentrer sur son territoire doit pour moi s’accompagner d’une ouverture et interconnexion aux autres territoires, sinon on risque de donner naissance à une forme de « nationalisme local » (régionalisme) et générer de grosses disparités entre biorégions (disparités qui existent déjà et encore plus si on prend du recul en comparant l’occident aux autres régions du monde. En France même si c’est très imparfait, l’Etat assure une péréquation nationale. La notion de solidarité entre biorégions me paraît donc une valeur fondamentale à porter et à mettre en oeuvre. L’archipel en tant que fédération de biorégions ?
Bonne journée, Sébastien
Bonjour Sébastien,
Merci pour ces deux remarques qui m’offrent l’opportunité de compléter mon propos.
1. « Les villes sont plus efficaces en terme de besoins énergétiques »
> Oui et non !
Oui si l’on considère notre niveau de vie actuel – entièrement dépendant de l’énergie et notamment du pétrole – comme normal et souhaitable alors qu’il est purement artificiel et totalement non soutenable.
Non si l’on part du principe qu’il va nous falloir – de gré ou de force (sans doute d’avantage sous la contrainte vu que nous ne semblons avoir aucune capacité d’anticipation) – drastiquement réduire notre consommation énergétique.
Le repeuplement de nos campagnes ne doit/peut bien entendu pas se faire avec le niveau de confort actuel des villes et métropoles.
Et la question ne me semble pas être de savoir si un exode urbain massif est réalisable, il est tout simplement inévitable… justement pour des raisons de pénuries énergétiques, de blackout électrique et de ruptures d’approvisionnement alimentaire que les populations urbaines hyper vulnérables aux risques systémiques vont prendre en pleine figure dans les prochains temps.
2.Oui ! Le biorégionalisme n’est pas une construction de territoires en autarcie, mais bien de territoires autonomes et donc interdépendants via une confédération de biorégions pour gérer notamment les échanges entre biorégions. Mais la grande différence, essentielle, est que cette confédération n’est pas hiérarchiquement supérieure à chaque biorégion.