Avec James Lovelock nous prenons pied  dans le 20e siècle, au moment où la prise de conscience des limites de la planète se fait jour dans les années 70, également marquées par le rapport Meadows – Halte à la croissance (dans un monde finiThe Limits to Growth) de Donella Meadows et Dennis Meadows. Il est alors intéressant de noter qu’après ce parcours express que proposent ces épisodes choisis de la « pensée du Vivant », nous assistions au retour de Gaïa, cette figure mythique de la Déesse de la Terre, au moment où la rationalité scientifique bât son plein par ailleurs, alimentant toujours un peu plus  le développement technologique et la croissance économique sur lesquels elle s’appuie.

Qui est James Lovelock ?

James Lovelock (26 juillet 1919) est considéré comme le père de l’hypothèse Gaïa. Spécialisé dans les sciences de l’atmosphère, ce scientifique indépendant anglais, auteur, chercheur, environnementaliste, défend une vision globale, une approche pluridisciplinaire de la recherche scientifique, comme en témoigne son parcours personnel.

Curriculum Vitae :
En 1941, James Lovelock obtient une licence de Chimie de l’Université de Manchester. Il travaille dès lors pour la Medical Research Council du National Institute for Medical Research à Londres. En 1948, il obtient un doctorat en Chimie de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, puis, en 1959, un master en biophysique de la London University.
Le travail de James Lovelock a été récompensé par un grand nombre de prix.
Il a été fait membre de la Royal Society en 1974. Il est Honourary Visiting Fellow du Green College d’Oxford depuis 1994. Par ailleurs, il a reçu la Tswett Medal pour ces travaux en chromatographie en 1974, ainsi que l’American Chemical Society chromatography award en 1980. Ses travaux sur la chimie atmosphérique lui ont valu le World Meteorological Organization Norbert Gerbier Prize en 1988, le Dr A.H. Heineken Prize for the Environment en 1990 et le Royal Geographical Society Discovery Lifetime award en 2001. En 2006, il a reçu la médaille Wollaston, plus haute distinction décernée en géologie.
Il a également été nommé “Commander of the British Empire” en 1990, et Companion of Honour en 2003.
Ces prix et ses titres honorifiques récompensent son parcours de chercheur scientifique marqué par le nombre et la diversité de ses publications qui touchent tant à la biochimie, la médecine, qu’aux sciences de l’atmosphère, à la géophysiologie, à la science instrumentale ou à la question du changement climatique.

Lynn Margulis

Lynn Margulis a été la principale collaboratrice de James Lovelock dans l’élaboration de la théorie Gaïa. Sa maîtrise de la microbiologie et sa théorie endosymbiotique ont beaucoup apporté à l’hypothèse.

L’endosymbiose peut être définie comme une relation entre deux organismes qui vivent l’un dans l’autre, établissant une relation mutuellement bénéfique. La cellule hôte sert la cellule dépendante et vice versa.
Pour sa part, Lynn Margulis a avancé l’idée que les ancêtres des cellules eucaryotes étaient issues de l’évolution un consortium symbiotique de cellules procaryotes d’une ou plusieurs espèces.

L’hypothèse Gaïa repose sur une double idée : la planète est considérée comme un « super-organisme » ; l’évolution est le résultat d’un processus de coopération non compétitive. Dans cette optique, Lynn Margulis a beaucoup apporté à la théorie Gaïa. Selon les termes de James Lovelock, elle a apporté la chair au squelette de Gaïa : « Lynn a mis sa grande compréhension de la microbiologie au service de ce qui était jusque là principalement une théorie scientifique qui voyait une Terre autorégulée à travers les yeux d’un physico-chimiste.

En effet, au début des années 70, Lynn Margulis cherchait à « relier les bactéries à leur empreinte métabolique ». Selon elle, « toutes les bactéries produisent des gaz : de l’oxygène, du sulfure d’hydrogène, du dioxyde de carbone, de l’azote, de l’ammoniac… plus de trente différents gaz sont produits par les bactéries. » C’est dans la perspective de ces recherches que Margulis a été amenée à travailler avec James Lovelock. Leur collaboration a débuté en 1971.

Pourquoi s’arrêter là dans cette saga de la pensée du vivant sur Lovelock en particulier ? En raison bien sûr de son « hypothèse Gaïa »   développée avec la microbiologiste Lynn Margulis à partir de 1970. Cette hypothèse a en effet inspiré au-delà de la controverse qu’elle a créée, de nombreux travaux,  tant scientifiques que philosophiques.

En  quoi cette hypothèse est-elle cruciale dans notre histoire de la pensée du vivant  ? Par l’affirmation que l’ensemble des êtres vivants sur Terre formeraient un super organisme – baptisé par Lovelock Gaïa du nom de la déesse de la mythologie grecque personnifiant la Terre –  réalisant l’autorégulation de ses composants par le développement de la Vie, cette hypothèse est apparue problématique, voire gênante  pour nombre de scientifiques. Pour beaucoup d’entre eux, une telle théorie  semble nous replonger dans une pensée pré-scientifique, voire ésotérique.  Il leur semble qu’une telle représentation de la planète, renvoie à des conceptions antiques, dépassées, consistant comme dans le stoïcisme grec,  à penser l’univers comme un Tout ordonné  (Cosmos),  doté d’une âme (Anima Mundi).

Cette hypothèse constitue une nouvelle révolution galiléenne (inversée ?) , en posant qu’un super objet matériel comme la terre , étudié jusqu’ici dans les termes des lois physiques et mathématiques (astrophysique), pouvait s’analyser en tant qu’organisme vivant (hypothèse dite aussi  « bio géochimique » ) susceptible d’une description en terme d’éco-évolution (Earth system science) qui définit le vivant comme une propriété émergente de l’écosystème.
Lovelock développe cette hypothèse dans Les âges de Gaïa paru en 1988 (1990 en français) mais surtout dans  La terre est un être vivant – l’hypothèse Gaia (1979). Cet ouvrage précurseur ne sera traduit en français bien après, en 1993) ; ce qui dit bien le malaise d’un tel titre dans l’univers scientifique (et philosophique) cartésien en France , comme l’a révélé le livre critique de l’écologie moderne de Luc Ferry sur « Le nouvel ordre écologique ».

Et si la Terre était vivante :

le grand retour de l’hypothèse Gaia

voir Sciences et Vie en ligne 


Pour les spécialistes du climat, des océans, des glaces ou de la biodiversité, la Terre n’est pas une simple planète, mais un corps traversé par de multiples processus complexes dont les interactions la maintiennent en équilibre plus ou moins précaire – un corps vivant, en somme ! Et voilà que, comme une évidence, discrètement, la radicale « hypothèse Gaia », formulée il y a 50 ans mais vivement rejetée plusieurs décennies durant, est en train de s’imposer dans toutes les géosciences modernes. Car les experts en sont convaincus : seul ce nouveau regard permet de prédire les risques de bascules climatique, océanographique ou écologique que les activités humaines font peser sur notre monde…

L’hypothèse ressemble à un slogan écologiste. Ou à une métaphore mystique New Age, voire une idée farfelue tirée d’un mauvais roman de science-fiction. Et pourtant… même si elle est rarement formulée, cette hypothèse est aujourd’hui le paradigme scientifique qui domine toutes les sciences de la Terre, irriguant depuis trois décennies la géologie, la climatologie, l’océanographie, la glaciologie, mais aussi l’astrobiologie, l’écologie, les sciences de l’évolution et même la philosophie des sciences. Notre planète, au fond, serait un être vivant. Surpris ? L’idée que la Terre est vivante est pourtant devenue courante dans la communication officielle des grandes institutions scientifiques. L’Agence spatiale européenne a intitulé son programme d’observation de la Terre « Planète Vivante », et la Nasa utilise constamment l’expression. Le public lui-même, et avec lui nombre de scientifiques n’hésitent pas à parler de « préserver » ou « sauver » notre planète, une expression qui n’aurait aucun sens à propos d’un objet géologique – on ne « sauve » pas un caillou. Mais ce qui n’est sans doute pas assez souligné, voire ce qui est même tu, c’est qu’il ne s’agit pas d’un simple raccourci verbal : cette hypothèse reflète une réalité physique, telle que la géoscience moderne la conçoit. Et pour comprendre sa paradoxale discrétion, il faut remonter à sa genèse.

 

 

Même si on peut trouver des précurseurs à cette théorie Gaïa, c’est le travail de James Lovelock à la NASA et les premières images de la Terre vue de l’espace qui l’ont inspiré au milieu des années 60. L’aventure spatiale, et au moment où Lovelock  écrit «  la terre est un être vivant »  les premières expéditions pour mars sont en route , apparait comme une quête de la Vie dans l’univers « supra-lunaire » (extraterrestre). Lovelock  ne dit plus simplement « la terre abrite la vie », mais « la terre est vivante ».
En considérant, la planète pensée  jusque-là comme un cadre de vie inanimé, simple espace-milieu de l’activité physique et biologique , comme un être animé par lui-même, Lovelock déplace le cadre de la pensée de la vie et pose directement dans son livre la question cruciale, récurrente et difficile à dépasser : «  qu’est-ce que la vie et comment la reconnaître ? ». « Quelle assurance avons-nous que le mode de vie sur Mars, s’il existe, se prêtera aux méthodes de détection valables dans le cas d’un mode de vie terrestre ? ».
Le chapitre 2 de son livre sur l’hypothèse Gaïa, est consacré à un récit de la vie fondée sur les données scientifiques disponibles et Lovelock y mêle aussi les données sur la connaissance qui se précise des systèmes complexes, régis par les boucles de rétroaction, et des considérations sur les régulations qui s’inventent et s’élaborent au niveau écosystémique, qui relèvent  de la compétition-coopération entre les organismes vivants en interaction les uns avec les autres dans un milieu qu’ils modifient en retour.
Ainsi la vie n’apparait-elle pas pensée au niveau des individus, mais au niveau même de l’Individu que peut constituer la Terre, comme composition d’individus.  On retrouve là une pensée spinoziste de la Nature à ceci près que cela ne s’exprime plus dans le vocabulaire de la scolastique moyenâgeuse mais dans celui de la cybernétique moderne sur laquelle s’appuie le chapitre 4 du livre. L’existence de Gaïa repose sur l’idée qu’il existe des espèces qui coopèrent pour réguler le système . Lovelock a élaboré un modèle informatique  – « Daisy World » –  simulant comment les boucles de rétroaction peuvent avoir une tendance à la stabilisation d’un système climatique, pour  illustrer la théorie de Gaia en dehors de tout téléologisme.

 Cette vision cybernétique de la vie de Gaia met aussi en lumière les risques d’emballements rétroactifs, susceptibles de la menacer.

Gaia, le plus complexe des écosystèmes

James Lovelock et Lynn Margulis rédigent un premier article ensemble en 1974, « Biological modulation of the Earth’s atmosphere », Lynn (Icarus, Volume 21, n°4, Avril 1974, Pages 471-489). Dans cet article, ils étudient l’idée selon laquelle la composition de l’atmosphère terrestre, sa température et son pH sont régulés par les organismes vivants afin que la probabilité de croissance de la biosphère soit maximisée. Cet article met en avant la nécessité d’un système de régulation de la température par la biosphère. En effet, l’évolution parfois considérable de l’énergie solaire transmise à la Terre s’oppose à une relative constance de la température terrestre depuis 3,5 milliards d’années. Les deux auteurs font alors le rapprochement entre le système de contrôle de la Terre et le contrôle de la température chez un organisme individuel. Ainsi, une étude de la cybernétique de la terre s’apparenterait à une étude de la physiologie d’un organisme.
Ils se penchent ensuite sur la contribution microbienne. Selon eux : « Nous soulignons la contribution microbienne pour deux raison : leur polyvalence métabolique provoque des effets environnementaux profonds et parce que la régulation de l’environnement planétaire était apparemment déjà effective longtemps avant l’apparition des principales formes de vie eucaryotes. »
Ainsi, les connaissances en microbiologie de Lynn Margulis ont réorienté l’hypothèse Gaïa vers une dimension physiologique ainsi que vers la compréhension de l’importance du rôle des microorganismes dans la régulation de l’atmosphère terrestre.

La conception de l’évolution de Lynn Margulis

Pour Lynn Margulis, « La grande vision de Darwin n’était pas fausse, seulement incomplète. » Selon elle, la symbiose serait une force aussi importante que la compétition pour les ressources ou les batailles pour la survie. Cette conception l’oppose vigoureusement aux néodarwinistes comme Dawkins, qui l’a pourtant complimentée sur sa production scientifique.
Dans son ouvrage « Symbiotic Planet A New Look at Evolution » (1998), Lynn Margulis développe cette idée et parvient à la conclusion que « Gaia, le plus complexe des écosystèmes réalisé à la surface de la surface de la Terre, est simplement symbiotique vu de l’espace. » Toutes les espèces sont connectées les unes aux autres permettant une stabilité du système terrestre.

Voir le site « Controverses Sciences-Po » 

 

En ce sens, le modèle « gaïen » est une réponse au darwinisme strict, qui ne voit dans la vie qu’un accident n’ayant aucune espèce de relation avec son environnement selon Lynn Margulis comme elle le développe dans son article « Biologists can’t Define Life ».
La théorie « Gaïa »  mobilise aussi l’entomologiste E.O Wilson (récemment décédé)  connu pour être l’inventeur de la sociobiologie  (discipline controversée par le fait de faire reposer certaines propriété du social sur la biologie ; mais dont il existe plusieurs interprétations liées aussi à l’évolution même de la pensée de E.O Wilson quant  à la sociobiologie) , très actif sur les questions de la défense de la biodiversité qu’il a su imposer dans la littérature scientifique et en particulier via de son livre Meaning life (Le sens de la vie  – 2014) et via sa Fondation pour la biodiversité créée en 2005.

« La terre que je foule n’est pas une masse inerte et morte, elle est un corps, elle possède un esprit,
elle est organisée et perméable à l’influence de son esprit ainsi qu’à la parcelle de cet esprit qui est en moi
 ».
Henri David Thoreau

Les éléments de controverse quant à la théorie Gaïa dans le champ scientifique renvoient aux critiques sociopolitiques qui sont faites d’une telle approche susceptible de « dérives spiritualistes » par l’évocation  de liens entre « écologie gaïenne »  et « foi religieuse », voire « païenne »  (avec le concept de « Mère Terre »).  Critiques auxquelles Lovelock répond lui-même en dénonçant « la foi  matérialiste »  reposant selon lui sur « un même socle de croyances religieuses et humanistes  : La terre est destinée  à être exploitée pour le bien de l’humanité » ;  qui renvoie aussi à une critique de l’affirmation cartésienne de « l’homme comme maître et possesseur de la nature ».

*

On le voit « l’hypothèse Gaïa » déborde le champ scientifique par une critique de l’écologie politique par Lovelock lui-même au nom de l’écologie profonde, qui  se développe comme une critique de l’anthropocentrisme de la première (voir le livre de Lovelock La revanche de Gaïa – Préserver la planète avant qu’elle ne nous détruise – 2006).  En ce sens, les positions avancées depuis maintenant plus de 40 ans par Gaïa, trouvent dans notre combat de L’Archipel du Vivant, un écho très clair.

Cela croise aussi le combat et le thriller écologique en 2 tomes de Jean-Pierre Goux  – initiateur de « l’overview effect » – One Home –   Le Siècle Bleu.

Le thriller d’une révolution bleue.

L’organisation clandestine Gaïa est prête à tout pour sauver la planète et l’humanité. Ses membres multiplient les opérations spectaculaires et inquiètent les gouvernements des grandes puissances. Au même moment une lutte sans merci s’engage entre les Etats-Unis et la Chine pour mettre la main sur un nouvel eldorado, la lune. Washington décide de se servir d’Abel le leader de Gaïa comme bouc émissaire.

Devenu l’ennemi public n°1, condamné comme éco-terroriste, Abel n’a pas d’autres choix que de découvrir la vérité. Vérité qui pourrait faire basculer le monde dans la sidération, l’apocalypse… Ou au contraire l’entrainer vers un tout autre futur, vers le Siècle Bleu.

Complots, services secrets, mensonge d’état, chamanisme, conquête de l’espace, décryptage de codes, mais aussi espoir, utopie. Siècle bleu est un roman d’aventures, un thriller écologique visionnaire, l’épopée de héros et d’anti-héros qui nous tiennent en haleine du début à la fin. Une saga qui interroge notre époque et nos intentions pour le monde.

Et pour préparer la suite de cette série sur « La pensée du Vivant » , Bruno Latour a pu rencontrer James Lovelock…

« James Lovelock est un très vieux monsieur de
98 ans. C’est un penseur aussi important que peu académique, qui fut le premier à théoriser ce que l’on appelle, dans les milieux de l’écologie et des sciences de la Terre, l’hypothèse « Gaïa », que l’on peut résumer provisoirement ainsi à ce stade de mon enquête : la Terre est un ensemble d’êtres vivants et de matière qui se sont fabriqués ensemble, qui ne peuvent vivre séparément et dont l’homme ne saurait s’extraire.
Je n’avais jamais prévu de rencontrer le père de Gaïa » 

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