J’aurais aimé en mars 2020 que, plutôt que de se poser en sachants se contredisant d’un jour à l’autre sans jamais présenter d’excuses, on nous dise : « Nous ne savons pas, mais nous allons :

  • prendre avis,
  • organiser des débats entre scientifiques ayant des angles de vue différents afin que nous puissions envisager la pandémie de façon large,
  • faire confiance aux médecins, les laisser prendre appui sur leur expérience, exercer leur sens clinique, prescrire ce qui leur semble ajusté.

J’aurais aimé qu’en mars 2020 plutôt que de nous dire en guerre, on nous propose à la fois la prudence et la solidarité.

J’aurais aimé en mars 2020 que, plutôt que de nous baigner dans la peur, l’on nous incite à la fois à la responsabilité et à l’attention à l’autre.
Il m’est arrivé plus d’une fois de prescrire que l’on éteigne le téléviseur.

J’aurais aimé en juillet 2020, après un premier temps de sidération, que l’on prenne en compte la dimension de révélateur que constitue le Covid 19.

Si l’on n’avait pas vu jusque-là le délabrement pourtant criant (et malheureusement voulu) du système de santé, en particulier de l’hôpital public, si l’on n’avait pas vu les inégalités en matière d’éducation, de logement, d’alimentation donc de terrain (et ce virus a un tropisme particulier pour les plus fragiles, que ce soit par l’âge et/ou par le terrain), on ne pouvait désormais plus le méconnaître.

On aurait pu, plutôt que de continuer à diffuser la peur, nous proposer de penser ensemble et de poser ensemble les prémisses d’un autre monde, c’est-à-dire nous donner espoir. On aurait pu prendre la mesure de l’indigence de l’hôpital public, commencer à former de nouveaux soignants (penser, donc, au moyen-terme voire au long-terme), se soucier de la dimension de la prévention en matière de santé de multiples façons (par l’alimentation, la diminution du stress, le souci des liens, l’instauration d’une autre relation avec la nature, etcétéra).

Un an plus tard a été promulguée la loi du 5 août 2021, instaurant l’obligation vaccinale des soignants. Face à la poursuite de la perversion généralisée des choix dits « sanitaires », une seule voie me semblait possible : celle de l’intégrité et de l’éthique. J’ai décidé, dès-lors, de ne pas m’auto-suspendre, puisque mon désir était tout simplement de continuer à soigner, d’exercer donc mon métier de psychiatre libéral, comme je le fais depuis un quart de siècle. J’ai reçu ceux qui s’adressaient à moi (dans la mesure de mes possibilités, car je n’ai de loin pas pu répondre à toutes les demandes). Je les ai écoutés. J’ai tenté de les accompagner vers un peu plus de liberté, vers un peu plus de capacité à penser et à décider par eux-mêmes, d’élargir un peu le crédit qu’ils pouvaient accorder à leur propre parole.


J’ai espéré passer sous les radars, l’ARS du Grand Est, dont je relève, disant s’alarmer à la fois du manque de 100 000 soignants et de l’explosion des troubles psychiques, notamment chez les enfants et les adolescents, dans la Région.

Mardi 7 décembre 2021, j’ai reçu de la part de la même ARS le courrier me suspendant et m’interdisant donc l’exercice de la médecine. Et j’ai dû faire le choix difficile entre l’intégrité et le manquement à une règle déontologique première, à savoir la continuité des soins : les consultations de mes consœurs et confrères étant, tout comme la mienne, saturées, personne n’accueillerait mes patients, je le savais. J’ai dû annoncer à mes patients que je ne pourrais plus les recevoir, malgré le désir de poursuivre avec eux le chemin parfois long, mais toujours enrichissant parcouru ensemble. Cela n’a pas été sans tristesse, cela n’a pas été sans gratitude pour tout ce que les patients m’avaient appris.

Mon désir de soigner et de contribuer à un monde où l’éthique et le soin à l’humain primerait sur les intérêts économiques et la surveillance généralisée reste vif.

Texte écrit le vendredi 10 décembre 2021.

Crédit photo : «Bleu II», 4 mars 1961, huile sur toile, 270 x 355 cm, France, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, don de la Menil Foundation en mémoire de Jeande Menil, 1984. Successió Miró/Adagp, Paris 2018/Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. Rmn-Grand Palais/Philippe Migeat

 

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